jeudi 16 septembre 2004

Kabuki in Ginza



Mercredi après midi, dans un théâtre nomme Kabuki-za, en plein centre de Ginza, j'ai assisté à un spectacle de Kabuki. Les places sont relativement cher, de 2520 yens à 18000 yens pour une place assise (1000 yens = 8,8 euros)... on peut toujours assister aux 5 heures de spectacles debout et tout au fond de la
salle au troisième étage pour une somme plus modique, mais je ne m'en sentais pas le courage, alors j'ai pris celle à 2520, place en hauteur sur le côté et vers le fond... Une assez mauvaise place en ce sens que je n'avais pas vue sur l'hanamichi ("chemin des fleurs", qui est une étroite extension de la scène, allant de la gauche de la scène et se prolongeant vers le fond de la salle, permettant aux personnages de faire leurs entrées et sorties). La séance s'est déroulée en trois fois, trois histoires, deux fois une heure pour commencer, puis une fois deux heurs, avec une pause d'une demi heure entre chaque.

Pour commencer et pour différencier de chez nous, les spectateurs n'ont pas le droit de s'installer à une meilleurs place même si celles-ci sont vides durant le spectacle... ainsi les gens ayant payé pour rester debout sont restés debout avec une pleine rangée de fauteuils vides devant eux.

La lumière baisse, les luminions s'éteignent et les Ki commencent à s'entrechoquer (les Ki sont des fins blocs de bois verni qui sont frappés l'un contre l'autre ou contre le sol à l'extrême droite de l'avant scène (Tsuke) et illustrant l'ouverture et la fermeture du rideau ou d'autres occasions tels que les scènes de combats, les chutes des personnages...). Le premier rideau laisse place au rideau traditionnel de Kabuki aux rayures verticales vertes noires et rouges, et bizarrement la lumière éclairant la salle ne s'estompe pas complètement et les spectateurs seront entourés d'un halo de lumière. Le rideau n'est pas automatique mais tire par trois hommes caches derrière celui-ci et pourtant s'y mettant en valeur en avançant de telle manière que leur silhouette s'y dessine. Le rideau disparait rapidement vers la droite et le public se met à applaudir les personnages déjà sur scène. Il y a plusieurs Onnagata (acteurs spécialisés dans les rôles féminins).
Je serai a plusieurs reprises surpris de l'interaction qu'il existe entre le public et les acteurs, le 4eme mur du théâtre semble n'avoir jamais existe dans leur culture théâtrale. Les spectateurs lancent des Kakegoe (cri appréciatif a l'attention d'un ou plusieurs acteurs, quand ceux-ci prennent une pose, entre sur scène ou encore à la suite d'une réplique bien lancée), et je fus surpris de voir tout le monde hurler et applaudir à l'entrée d'un jeune enfant sur scène. La femme à côté se penche même sur moi avec un visage souriant en me montrant du doigt l'enfant et en me glissant un "chiludo" (child), comme s'il était incompréhensible de ne pas se réjouir au plus haut point qu'un enfant fasse son apparition sur scène, mais a la vue de la salle il est certain que je faisais tache.

La première partie du spectacle traitait d'un enfant que le Shogun avait engagé pour faire rire la jeune princesse. L'enfant s'avère être le fils illégitime et donc abandonné de la nourrisse de la princesse. Celle-ci aura tôt fait de lui tourner le dos à nouveau pour sauver son honneur. La première partie au Kabuki est souvent une adaptation d'une pièce de Bunraku (théâtre de marionnette Japonais (ancestral)). Les décors et les costumes sont fastueux et très lourd à porter. Les gestes des acteurs sont minimalistes et exagérés. Minimalistes dans le sens de "non-profusion" et de "très écrit" (j'aurai l'occasion de m'en rendre vraiment compte pendant la seconde partie du spectacle). À certains moments, les acteurs principaux sont aidés par des assistants appelés Koken qui interviennent sur scène et pendant le jeu pour récupérer ou amener des accessoires, ou encore, aider les acteurs à changer, de manière assez spectaculaire, de tenue, le tout sous les viva du public.
Les Koken sont habillés de noir de la tête aux pieds et sont voilés. Leur accoutrement et la précision incroyable de leurs gestes m'a de suite fait penser à des ninjas de théâtre. Ils sont rapides, efficaces, et discrets de manière vraiment impressionnante. Les acteurs font régulièrement ce qui est appelé Mie, et qui est une pose corporelle incluant un petit mouvement de la tête et un regard puissant. Je rappelle au passage que les acteurs de Kabuki ne sont jamais masqués, mais grassement maquillés. Le Kabuki m'apparait comme un genre d'illustration de l'histoire conté, les Mie régulières me faisaient penser a des estampes.

La seconde partie est entièrement dansée, Shosagoto, et de manière extraordinairement précise et gracieuse. Encore une fois, décors et costumes sont extrêmement riches. Deux danseurs, un Onnagata et un Tachiyaku (acteur de rôles masculins). Je n'ai pas encore parle d'un des éléments essentiel du Kabuki, la musique. La musique est jouée sur scène dans le Geza (coin des musiciens traditionnellement place au fond à gauche de la scène). On y trouve percussionnistes, joueurs d'instrument à cordes pincées dont j'ignore le nom, et d'un chanteur-narrateur... Durant le Shosagoto, la Geza disparait et laisse place a une démultiplication de musiciens-chanteurs qui occupent entièrement le fond de scène. La danse est spectaculaire, à certains moments on croirait y voir des kata parfaitement maitrisés, lents mais d'une précision à couper le souffle.

La dernière partie, relatant l'infortune d'un pauvre masseur aveugle qui sera tué pour son peu d'argent et de sa vengeance d'outre tombe, fera intervenir des Tachimawari (scènes de combats très stylisées et chorégraphiées pendant lesquelles interviendront les Tsuke).

La scène principale est équipée d'un immense plateau tournant qui va permettre un rapide changement de décors lors d'une même partie (passage de l'intérieur vers l'extérieur) tout en gardant cette réelle richesse dans les décors. Encore une fois l'intervention des Koken est indispensable. En décors, j’aurai l'occasion de voir des intérieurs, salle de jour, dojo, intérieur de palais... ou encore des scènes de natures qui seront plus suggestives et peintes sur des grands pans de bois découpés.

Mon sentiment sur l'ensemble de la pièce est mitige. Je me suis amusé, je me suis également ennuyé et j'ai été complètement fasciné par les 1h de danse qui sont passées comme un claquement de doigts. Une chose est sure, c'est que 5h de spectacle c'est assez long et en même temps c'est relativement supportable. Les scènes de discussions quasi statiques sont très longues, surtout quand on n'en comprend pas les phrases. Malgré tout ce fut une très bonne expérience que je ne regrette sous aucun aspect.

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