mardi 12 février 2008

Japon 36

C’est à combattre que chaque jour je m’entraîne ardemment ! Je sors mon épée et attaque mon ennemi à coup d’estoc mais le manque irrémédiablement au premier engagement. La danse du poignet nous amène dans des arabesques dont les angulations l’astreignent à des manœuvres délicates. C’est pourtant sans se laisser aller au désespoir que la vigueur refait surface et que je réattaque ces ennemis sans fin. Car ce n’est pas tout d’en tuer un ou deux. C’est par milliers que je compte les assaillants ! Leurs formes, et c’est bien là le problème, n’est jamais la même, celui-ci ovale ne présente aucune difficulté et je le transperce sans même m’en soucier, mais quand celui-là arrive, avec son armure clinquante et ses détails foisonnants, c’est à une, deux, vingt, cent reprises que je dois m’y prendre pour finalement lui tenir tête et le réduire à néant. Ce combat n’est pas fini aujourd’hui. Il ne le sera pas demain et je ne sais vraiment s’il se termine un jour pour quiconque tente le défi de s’atteler à cette lourde de tâche. Cet ennemi à un nom, il s’appelle Kanji !

La mémoire est un drôle de meuble à tiroirs, coulisses et autres portes dérobées… L’apprentissage du japonais prend du temps et de l’énergie et devient une véritable bataille de tous les jours. C’est pourtant avec un certain plaisir que le combat se livre. On oublie les formes apprises la veille pour se souvenir de celle de la semaine dernière etc. Finalement le processus est assez naturel – anti-naturel – nature… je ne saurais dire, mais c’est intéressant à vivre.

Pour nous sortir de notre torpeur d’étudiant-disque-dur, notre école nous propose (à tarif intéressant) de nombreuses sorties. Ce week-end venait le tour attendu du 32ème Grand Sumo Tournament. Il s’agit d’une journée, début du tournoi à 11h et fin à 17h30, pendant laquelle les sumos s’affronteront de manière éliminatoire. Je pourrais essayer de vous raconter les règles et autres subtilités dans le détail mais d’autres personnes le faisant mieux que moi ont déjà écrit sur le sujet, je vous laisse donc le choix (pour ceux que ça intéresse) de visiter l’un de ces deux sites : wiki, sitefr du sumo. Nous commençons donc par nous rendre à Ryôgoku, station de la ligne Sôbu. En arrivant sur le quai l’œil est tout de suite attiré par cette espèce de pyramide au toit vert qui accueille plusieurs milliers de personnes. Comme au théâtre les spectateurs crie le nom des actants, sauf que l’ambiance est beaucoup plus relâchée et que je commencerai timidement (au début) à lancer des Suge ! ou encore le nom du Sumo.

Alors que la première pause se fait deux sumos prennent la relève. Leur comportement un peu inhabituel ne nous surprend pas vraiment au début, mais lorsque cela vire dans l’irrespect des règles fondamentales du sumotori, nous comprenons finalement que nous assistons à l’entracte comique du spectacle. Celle-ci est d’ailleurs la bienvenue car 6 heures de sumo ça essouffle.

Et puis il y a aussi les Sumos se fightant avec des enfants entre 4 et 10 ans... Un vrai combat s'engage avant de voir voler un gamin dans la foule (ils ont été très bien élevé ces sumos malgré tout). Encore une fois des rires retentissent un peu partout et nous nous profiterons de celui d'Arnaud que vous ne pourrez manquer sur la vidéo !



épisode HS :
Ça remonte maintenant à un mois en arrière. Je monte dans le train de la Yamanote, comme tous les matins, écrasé par la foule ! Je retire mon sac et le pose sur les portes bagages en hauteur de manière à être moins écrasé. Comme tous les matins le train se vide à Shibuya et je peux m'asseoir à la station suivante. Ensuite je commence le travail de mémoire quotidien. Se rappeler de la forme de chaque Kanji et du vocabulaire associé, et ceux jusqu'à la station d'arrivée, Takadanobaba. Sur le chemin allant vers l'école je récupère les mouchoirs publicitaires qu'on nous distribue tous les jours. Arrivé, Youssef me regarde et me dit : "tu viens sans sac aujourd'hui ?". Je ne réalise que 15 secondes après, en posant mes mains sur mes épaules ! Ça ne m'arrive jamais, pas à moi ! J'ai oublié mon sac dans le train ! Le train périphérique de Tokyo. Accompagné d'une de mes profs nous retournons au pas de course à la gare. Sur le chemin, mon esprit se focalise sur le contenu du sac : cours, porte-feuille (passeport...), et surtout, loyer... 100.000 yen en liquide (un peu plus de 650 euros). Mon sang se glace. LE chef de gare nous annonce que le train ne s'arrête pas. C'est un circulaire. Ma dernière possibilité est de l'attendre toutes les heures sur le quai et de checker tous les trains qui passent. À 10h la ligne téléphonique d'assistance JR (JapanRailway) ouvre et j'annonce la catastrophe. La jeune fille prend la saisie et me dit qu'au mieu elle rappelera dans l'après-midi. Moi je poireaute sur le quai et continue de vérifier chaque rame qui passe... mais trois heures s'écoule et je pleurs intérieurement d'avoir perdu l'argent que nous mettons tant de difficulté à amasser. Milena, inquiète, m'appelle souvent pour me demander des nouvelles. Les profs ne l'ont pas laissée partir. Je décroche. "Allo Perrault-san ? Bonjour, hotline JR, nous avons retrouvé votre sac il est à Ôsaki !". C'est une 10aine de station plus bas. Je monte dans le premier train et file. À Ôsaki le chef de gare me tend mon sac qui n'a pas été ouvert. Tout y est. 3h après et plusieurs milliers de passagers sont passés devant mais tout y est. Le Japon et le japonais sont incroyables... Merci !