mercredi 23 novembre 2005

Pérou 07

Trouver les mots pour décrire cette aventure de huit jours n'est pas une tâche aisée et depuis avant hier que je suis rentré je ne fais que repousser l'échéance où je devrai me mettre à table.

Il est 7h du matin et j'arrive devant l'agence Manu Perú Amazon. Oliver que j'ai rencontré avec Miléna avant de monter voir le Machu Picchu m'avait assuré que je vivrais une expérience unique en venant avec lui.

Alors c'est ce que nous allons voir. Mon sac est plein à raz bord et je commence a décharger les choses inutiles dans un cartons qui restera ici. En même temps je fais la connaissance de mes compagnons de route : Hen, Rotem, Doron, Pini et Annon, sont les 5 israélites, Luke, le p´tit gars de l'Oregon et Eduard le barcelonais. Les connaissances faites, les bagages montés sur le toit du minibus Toyota et nous voilà déjà en route vers les montagnes. Pour acheter du pain et les choses essentielles pas besoins de sortir de voiture puisque les marchandes se jettent aux fenêtres pour vous vendre tout ça.

Pour atteindre la forêt, il faut passer qqs petits villages perdus en montagne où les gens s'habillent tous en tenus très colorées et de manières encore plus innovantes que je n'ai pu le voir jusqu'à présent. Le bonnet péruvien à gros pompons de travers histoire de se donner un look un peu rebelle me fait sourire, tandis que les chiens péruviens sans poil (mais médicinal) se balade tranquillement. Le temps de manger un morceau au sommet de la cordillère et voilà que nous entamons déjà la descente à travers la forêt dans les nuages. La descente est longue et humide, car dans cette portion de jungle masquée par les nuages perpétuels, la pluie est présente en permanence. Nous atteindrons Pillcopata vers la nuit où nous faisons notre première escale dans le seul hôtel de l'expédition. Le temps de prendre une douche et me voilà dans la cour où Oliver me présente à ses amis indiens natifs. Je salue tout le monde en essayant de garder l'aspect le plus normal. "Voilà Willy qui va nous accompagner et voilà Carlos...". Willy est un natif bien bâti dont l'épaule gauche arbore une fière emprunte de Jaguar tatouée, il a le visage aimable et un sourire sincère. Mais à ce moment précis ce n'est pas Willy qui m'intéresse. Je m'assois sur le banc en bois et fais face à Carlos et deux femmes plus une petite fille. Sur cette table, une montagne de feuille de coca est étalée comme autant de cacahuète ou de Monster Munch pour un apéro. Aussi deux verres font tourner la bière entre nous tous et je me retrouve rapidement à mâchouiller tranquillement ma petite "bola" de coca. Mon œil, bien malgré moi, est attiré irrésistiblement vers ce petit bonhomme : Carlos. Le cou absent, il a la tête posé directement sur les épaules, et autour de cette tête un montant cocasse de colliers de graines de la forêt. Sa coupe au bol est ornée d'un bandeau qui, enfoncée sur son crâne, écrase les cheveux du milieu et forme autour une espèce d'auréole sombre. Ses yeux, je ne saurais en parler car il porte une paire de lunettes de soleil (en pleine nuit) style année 70. Ça lui donne un cachet irrésistible, ces lunettes rose immense sur le nez boudiné de ce natif sont un poème kitchissime. La tête arrivant à peine au niveau de la table il sourit de toutes ces dents, d'une espèce de crispation de la bouche, une grimace en quelque sorte. Quelqu'un a dû lui apprendre à sourire et il doit continuer à s'entraîner... car il vrai qu'à quoi bon sourire quand on vit toute sa vie en pleine forêt... À sa droite, la plus jeune des deux femmes à un visage charmant et une belle boucle d'acier au beau milieu de son nez. Son cou aussi orne colliers, dents diverse, et plumes. La femme de Carlos, la deuxième femme, quasi identique à la première, la grâce en moins, tient dans ses bras une petite fille qui comme ses deux aînées porte elle aussi ce petit anneau d'acier dans le nez. J'aimerais courir prendre mon appareil photo et immortaliser cette vision qui me fascine et je n'en ferais pourtant rien, incapable de m'arracher de ma contemplation. Mon appareil photo restera même, pour la première fois en 5 mois de voyage, la plupart du temps dans son étui, pour deux raisons, d'abord parce que Eduard possède un appareil quasi identique au mien et flashouille autant que moi et bien mieux a mon goût, et aussi car je n'en aurais jamais l'envie, préférant vivre à 100% ce qui se passe. "Stéphaaaaaan !!! Baja quiero que tomas fotos de la balsa !" Je me tourne et regarde ma montre. 4h30 du matin ! Je ne sens pourtant aucune envie de continuer à dormir. J'enfile mes vêtements et cours dehors rejoindre Oliver et Willy. Nous arrivons au bord du río Madre de Díos où trois ou quatre hommes nous rejoigne pour filer un coup de main à la construction des deux radeaux qui nous transporteront bientôt au cœur de la jungle. Les troncs de balsa sont déjà taillés et alignés le long de la rive. La pluie commence doucement à tomber. Il faut retirer l'écorce des troncs ce qui est l'affaire de quelques minutes car celle-ci se retire comme une peau de banane. Le bois est très blanc et facile à manipuler car très léger. Nous alignons 6 troncs avant de les rejoindre par deux transversales et de sangler le tout. Quelques coups de machette pour emboiter le tout et en quelques heures le tour est joué, nous avons deux fiers radeaux prêts à filer le long du fleuve.

Le reste de l'équipe se réveille bientôt et nous nous apprêtons à partir le temps de charger le raft pneumatique qui nous suivra avec tout le matériel. Rame au poing je me retrouve en tête de gondole. Les premières minutes seront les plus dangereuses de la rivière, il va donc falloir donner un peu d'huile de coude. Willy manœuvre la balsa. Les vaguelettes deviennent des vagues et les creux nous font bondir de plus en plus haut, mais rien n'entame notre joie. Ça ne fait pas cinq minutes que nous sommes partis quand un rocher énorme se présente juste en face de moi alors que je rame de toute mes forces pour l'éviter... mais le courant est d'une force énorme et notre balsa vient se planter le nez nous faisant faire un bond en l'air. Quand je rouvre les yeux, je suis toujours sur le radeau qui prend un nouvel élan dans les rapides, mais derrière moi il ne reste plus que Luke et Willy... nous avons perdu Edu et Annon... qui flottent dans leur gilet à qqs mètres de là. La récupération est facile et nous continuons notre descente avec une maîtrise du radeau qui s'affine doucement. Au bout d'une petite heure, Madre de Díos devient plus docile et nous nous arrêtons de ramer un moment. Le soleil est á présent haut dans le ciel et les épaules nues chauffent légèrement. Derrière nous le raft pneumatique transporte tout le barda, ainsi que la cuisinière et Ramoun, le chien noir du rameur qui devient rapidement la mascotte. Nous joignons les deux radeaux et commençons à faire les ânes. Le temps est long et le soleil cogne dur. Toutes les dix minutes nous plongeons dans l'eau tour à tour profonde ou pas, histoire de nous rafraîchir. Vers la fin de la journée, après maints secours portés à Ramoun le chien, notre radeau offre l'illusion parfaite de la Méduse, si ce n'est la forêt qui nous entoure... J'apprends par Oliver et Willy la légende du Paititi, ville légendaire dormant sous Madre de Díos, entre la terre et la Pachamama, ville d'or, au rivière de lait, et à l'herbe douce...

Mes épaules me lancent affreusement et je n'ai rien pour me couvrir. Nous arborons tous des couleurs rougeoyantes et j'appréhende déjà le jour où il va falloir mettre le sac sur les épaules. Nous passerons la nuit au bord de la rivière. À coup de machette, j'arrache qqs branches sèches des troncs jetés là en vrac. La nuit tombe tôt et vite. Nous sommes le 14... Nous aurons une pleine lune la nuit du 16. Quand il faut remonter sur le radeau au petit matin on espère déjà que le parcours va se terminer rapidement. Il nous reste 4h à 5h de descente. La joie de la nouveauté est passée et nous ne pensons plus qu'à nos épaules que le soleil à décider de continuer à creuser. Ma main me lance d'un chouette pinçon et d'une ampoule que je dois à l'utilisation de la machette... c'est là qu'on s'aperçoit que nos mains sont trop douces au contact de la plume et je me dis que c'est un prix bien doux pour endurcir ma peau. Shintuya est en vu. C'est là que nous finissons cette première partie du voyage. Nous accostons la balsa, et déchargeons le raft. Nous allons encore alléger nos sac à dos afin de répartir la nourriture pour quatre jours de jungle, que le raft transportait jusque là. Le surplus nous le laissons dans une bicoque d'un ami à Oliver. Quand je soulève mon sac et le pose sur mes épaules, mon cœur se soulève, la douleur me pénètre profondément. Je regrette mon insouciance de ne pas avoir voulut passer de t-shirt... Oliver est une personne vraiment intéressante, il a vécu 15 ans à faire faire des tours dans cette jungle de Manu. Sa connaissance en plante médicinale et faune est immense. Mais c'est aussi quelqu'un que la forêt à forgé et a rendu dur. Alors il est dur avec nous et ne se met pas forcément à notre niveau de débutant... il faut marcher ou crever... alors à peine descendu du radeau, nous enfilons quelques vêtements et nous voilà déjà partis pour la jungle. Il est 13h. Après 30 minutes de marche le long d'une piste, il s'arrête brusquement et se retourne vers nous. "Je ne vais pas répéter deux fois ce que je vais vous dire, alors écoutez bien ! Nous n'avons pas de sentier dans cette partie de la jungle. Je ne veux voir personne marcher de front... tout le monde à la queue-leu-leu. Aussi si vous vous arrêtez pour prendre des photos ou pour pisser sans avertir en moins de deux minutes vous serez perdus." Nous voilà au parfum. Sa cadence de marche est impressionnante et il porte sur son dos un sac de 150 litres plein à craquer, aussi marche-t-il en permanence pied nu... chose que j'ai essayé d'imiter sans succès... La chaleur est maintenant différente. Le soleil est masqué par la pampa et nous avançons dans une atmosphère humide qui ne nous quittera plus. Le premier campement nous l'établissons après 4h de marche. À cet endroit des braconniers du bois sont venus trancher quelques arbres pour en faire des planches éclaircissant un peu la forêt et permettant d'établir quelques tentes. À peine cela fait que le ciel est noir. Diana, qui cuisine s'établit une petite cuisine et commence à faire griller quelques branchettes humides. Nous nous asseyons tous autour d'un tranche de tronc qui servira de table et échangeons nos premières impressions sur la selva alors que déjà les insectes s'attaquent à nous (surtout au peaux sucrées, donc pas à moi... ce qui est plutôt pas mal). La faune lance quelques cris nocturnes. Notre première chouette rencontre sera avec le scarabée phosphorescent. Comme une petite luciole il brille d'un vert puissant. Mais différemment puisque comme les phares d'une voiture il s'éclaire grâce à deux lumières frontales. Aussi, inoffensif, nous l'attrapons entre deux doigts alors qu'il se met à craquer d'un petit bruit... tac tac tac... La pluie accompagne bien sûr notre souper, et nous ne tarderons pas à être assommé de sommeil.

Aujourd'hui il faut s'enfoncer plus profond pour établir un campement de deux jours. Le temps de tout re-packer et nous revoilà donc à avancer à coup de machette. "Nous passerons aujourd'hui plusieurs rivières, mettez donc vos sandales", sauf que moi j'ai des sandales mais que pour marcher avec c'est impossible... donc chaussures de marche, mais une fois trempé... aucune chance de les faire sécher dans la selva... Je commence donc par essayer de passer les rivières sans faire pénétrer l'eau dans la chaussure... ce qui devient vite impossible vu que nous nous enfonçons à mi-cuisse. La sueur est âcre et sent fort. Trempez d'eau et de sueur nous avançons toujours au rythme d'Oliver qui recourt souvent à Willy pour trouver le bon chemin. Vers 15h nous atteignons une colline dont le sommet est dégagé et où un toit en palme offre un abri parfait. C'est la propriété d'un ami indien à Willy et nous resterons ici deux jours. La journée n'étant pas finie, nous montons rapidement le campement avant de nous aventurer le dos léger dans la forêt espérant trouver quelque faune à observer autre que des oiseaux. Rapidement un arbre au loin bouge et le silence complet se fait parmi la troupe. Un couple de singe appelé Black Spider avance tranquillement devant nos yeux éblouis de cette drôle de chose que de voir la vie sauvage de cette animal qu'on voit si souvent dans une cage ou dressé. Une demi-heure durant, la bouche ouverte, les yeux tirant le plus haut possible, la nuque criant au secours je ne pourrais pas me tirer de cette contemplation pleine d'admiration infantile. Il va pourtant falloir avancer et je m'arrache de ma rêverie, pour m'entendre hurler "cours c'est infesté de fourmis rouges", au même instant de toutes petites morsures suivies instantanément d'une brûlure cuisante se propagent le long de mes mollets... Je cours... et tape avec ma machette sur mes jambes pour repousser les quelques fourmis qui s'étaient introduit dans mon pantalon... La douleur reste peu de temps et heureusement finalement que ce n'était que des fourmis rouge car la forêt abrite une autre fourmi qui elle, mesure 2cm et qui vous rend paralytique 6 heures durant à la suite de sa morsure. Je parle peu des insectes, mais c'est qu'il y en a tellement que j'en perdrais la tête. Les mille pattes, les araignées velues énormes, les scarabées, les fourmis, les moustiques de toutes les formes possibles et imaginables, les papillons gigantesques d'un bleu profond... tout est source d'admiration. Nous atteignons bientôt le but de notre marche... un abri pour observer le tapir, qui vient ici sucer les minéraux à la nuit tombée. Commence l'attente silencieuse de la faune sauvage qui se soldera au bout de quelques heures par un échec... le tapir n'est pas venu... soit... nous rentrons à la lumière de la lampe torche, et là encore l'expérience de marcher en forêt vierge en pleine nuit est impressionnante... un seul mot : respect. On ne se trouve tellement rien, au milieu de cette immensité que le respect s'impose de lui même. Au campement Oliver invente une nouvelle pipe pour fumer un peu d'herbe... après la pipe patate, voilà la pipe ceinture... il enroule une ceinture et se sert de la spirale pour fumer pépère. C'est là qu'il nous dit, "demain debout 7h on a pas mal de marche pour rentrer..." Rentrer ??? Mais ne doit-on pas passer deux jours à ce campement ??? Alors silencieusement je me mets à compter les jours sur mes doigts et m'aperçois qu'il manque un jour... je vais donc voir Oliver discrètement et lui glisse le mot... il devient blanc... il s'est planté et nous devons effectivement rester un jour de plus... sauf que... sauf que nous n'avons pas assez de nourriture pour un jour de plus... il se met à se trifouiller les méninges dans tous les sens... mais une seule solution se présente, il va falloir chasser, sauf qu'à 11 personnes, impossible de chasser, évidemment... Le lendemain la pluie diluvienne nous cueille au réveil. L'oisiveté de quelques heures se perd en taillage de bois, en jeux de cartes, en confection d'armes indigènes. Et quand la pluie s'arrête nous revoilà parti explorer la forêt alentour. Encore des singes, mais aucune trace de jaguar... est-ce étonnant avec le bruit de tout ce petit monde marchant ? Les petites coupures, les petits bobos qui sont notre lot quotidien sont soignés grâce aux plantes, et ma foi ça marche plutôt bien. Quand la nuit commence à tomber nous retournons à l’abri pour tenter d'apercevoir le tapir... qui ne se montrera pas plus que la nuit précédente... Oliver, lui, nous aura quittés un peu auparavant pour retourner faire quelque chose au campement. À notre retour pas d'Oliver... Diana à déjà préparer le repas et nous n'attendons pas le chef. Dans le groupe nous sommes assez peu a parler espagnol et peu peuvent communiquer avec Willy et Diana. Eduard, espagnol, Annon, qui s'est mis dès le départ à l'écart du groupe par une espèce de caractère antisocial au possible et moi. Je me retrouve donc souvent à discuter avec Willy et Edu de choses diverses que la jungle nous offre à comprendre. Willy nous explique tout et nous propose bientôt de rejoindre Oliver qui est en fait allé pêcher pour que l'on puisse manger demain, à la seule condition de ne le dire à personne car impossible de chopper quelque chose encore une fois si nous nous déplaçons tous... J'insiste tout de même pour faire venir Luke avec nous, car c'était finalement celui qui voulait le plus pêcher, et l'en priver me semblait injuste... Luke est un garçon sensible qui me fascine par le contact qu'il a avec la forêt. Il arbore toujours un sourire affable, et son amitié est sincère. Nous descendons donc la colline pour nous plonger à mi-cuisse dans la rivière dans le noir totale. C'est à peine si nous distinguons le contour des arbres découpés sur le ciel d'un bleu profond. Oliver est assis dans le plus grand silence, à mâchouiller infatigablement ses feuilles de coca, une ligne toute nue dans la main. Derrière lui est allongé un poisson-chien de 25cm... Sa seule prise en deux heures... ça ne s’annonce pas terrible. Willy s'approche de moi et me glisse doucement à l'oreille "vient voir"... Avec sa lampe torche, il éclaire un peu plus loin sur la rivière, où un point rouge sang se met à s'illuminer... Un caïman. Willy attrape sa machette et s'avance dans l'eau alors que je le suis d'une distance raisonnable, arrivé presque au niveau du caïman, il se jette sur lui et abat sa machette qui rebondit sauvagement sur la peau de l'animal qui s'enfuit aussitôt... Je suis pétrifié... "Dommage ça nous aurait bien nourrit..." Soit... Quand je finis d'apprêter ma ligne de pêche avec pour appât un morceau du poisson-chien, Oliver tressaillit et se lève brusquement ramenant à lui sa ligne... c'est un gros, poiss... tortue... Il a attrapé une tortue de belle taille... Je n'ai pas le temps d'exprimer ma surprise que déjà sa main s'est abattue sur la tête de celle-ci pour lui faire trois tours, alors que Willy lui tranche la gorge... faute de caïman nous aurons donc de la tortue... sauf que une heure après à peine alors que le dos tourné, tout le monde pêchait, l'œil accoutumé à l'obscurité ; dans un silence parfait quelque chose c'était approché et c'est quand un bruit nous alerte finalement que nous percevons le caïman de tout à l'heure (sûrement) s'échapper avec notre tortue dans la gueule... il nous reste finalement le poisson-chien à moitié entamé pour faire des appâts... Au petit déjeuner alors que nous dégustons ce poisson exquis, la pluie s'arrête une minute nous laissant le temps de packer avant de repartir le dos chargé vers la lisière de la forêt... La marche sera dure, car nous devons effectuer en une journée ce que nous avions fait en deux jours et le rythme d'Oliver ne s'est pas plus calmé qu'à l'aller. Mon pied me lance d'une saloperie d'abeille qui n'a rien de trouver de mieux que de me piquer sous la plante du pied... alors que j'avais les pied nu pour la première fois depuis pas plus de 10 secondes... Les bambous taillés au rythme de la machette me font quelques estafilades joliment placées sur les bras, alors que les coups de soleil viennent seulement de passer, comme si la douleur devait ne jamais vraiment finir et vous rappeler toujours que vous êtes dans un endroit où le danger est omniprésent. La sueur se représente dans son odeur infecte et pique mes yeux alors que les pieds dans mes chaussures de marche baignent de l'eau des rivières. Quand nous atteignons le village, un sourire malgré nous monte sur nos visage... la fatigue est présente, mais malgré tout notre première envie est de boire une bonne bière... bière qui nous sera finalement offerte par les gens de Shintuya... que nous ferons bien rire à raconter nos pauvres péripéties... "Faut vraiment en vouloir pour se foutre en pleine jungle !" Quand mes pieds finissent par sécher en plein air... c'est là que le mal se fait sentir... la peau sèche et craque entre chacun de mes orteils. La douleur est telle que je n'arrive plus à avancer... je marche pied nu car hors de question de remettre les chaussures mouillées auteurs de ce scandale ! Seulement ma vitesse de marche est réduite... je mets presque une heure pour rejoindre le centre du village pour dîner... Un peu de crème cette nuit devrait faire beaucoup de bien. Au matin la douleur s'est apaisée nous packons une dernière fois les tentes et nous dirigeons vers la route où un de ces camions qui transportent le travail de ces braconniers du bois doit nous ramener vers Pillcopata. Je croise alors Hugo, un des chauffeur de camion avec qui nous avions bien bu la veille qui m'annonce, non sans regret, qu'aucun camion ne partira aujourd'hui... Quand le reste du groupe l'apprend c'est le scandale et les israéliens se lâchent sur Oliver qui dépité ne sait quoi répondre tant les attaques sont répétés et certaines fois, aussi, juste, à mes yeux. Nous avons vu peu de faune, énormément marché, manger juste ce qu'il faut et tout ça à leurs yeux est inacceptable... ma doléance à moi, comme à Luke est plus douce, nous lui reprochons seulement les quelques petits mensonges qu'il utilise parfois pour nous faire avancer à son envie... sinon l'expérience ainsi que l'amitié qui nous lit est puissante. Mais fortifié de tout ça, et peut-être pour montrer son meilleur côté Oliver part à la recherche d'un camion, de plus belle... Aucun problème ne lui résiste et 10 minutes après le voilà revenant avec un Volvo rouge énorme et sublime, camion de transport de bois appartenant à un conducteur bourré qui ronfle sur le siège du passager à côté d'un Oliver souriant au volant de ce monstre. Rapidement tout le monde embarque... nous voilà tirés d'affaire... à l'arrière du camion nous établissons notre petit campement alors qu'au bout de 20 minutes à peine... le camion s'arrête et tente une marche arrière qui patine. Je sors rapidement du camion pour m'apercevoir qu'Oliver a loupé un virage un peu serré et que le camion est en mauvais posture... le problème et qu'il a calé et que personne n'arrive à le faire redémarrer... La manière péruvienne de réparer voiture ou camion est de prendre un marteau et de cogner un peu partout, et la plupart du temps... ça marche !!! Sauf que là non... on pousse donc pour essayer de le faire démarrer dans la pente mais au lieu de ça le camion sort de la route à moitié et s'embourbe définitivement sans avoir redémarré. Le conducteur bourré comme un coing s'allonge sur la route, et l'image de ce camion dans les fourrés avec son conducteur ivre mort sur la route nous fait sourire une seconde et oublier que nous sommes au milieu de nul part... sans grand espoir de nous en sortir ce coup-ci. Willy part pourtant en avant en espérant trouver quelque chose... alors que Luke et moi en désespoir de cause passons le temps à la confection d'un chouette barrage dans la rivière qui coupe la route en contrebas. Quelques heures plus tard un bruit nous éveil et Willy triomphant revient avec un autre camion. Il a trouvé sur la route un conducteur bullant par là... après quelques piètres tentatives pour sortir le Volvo au moyen de câbles, nous transvasions nos affaires dans le deuxième camion qui nous transbahutera jusqu'à Salvación où nous jouerons Edu, Doron, Luke et moi un match de foot contre les locaux... match serré qui se soldera par un 3 à 3 et une sueur toute différente de celle que nous connaissions depuis une semaine. Là, alors que la nuit est déjà bien avancée, nous finirons par trouver un petit pickup qui accepte de tous nous entasser à l'arrière. 10 personnes plus tous les bagages sur la plate forme de 3m² voilà du cocasse. Mais nous atteindrons finalement le petit hôtel que quelques jours plus tard nous quittions sur nos radeaux. La nuit fut courte, entre la bière et les jeux de cartes, et au petit matin nous rechargeons le minibus Toyota qui nous tirera vite fait de la jungle... Vite fait ?... C'est ce que nous croyons... les doigts de pieds en éventail dans la chaleur du minibus que la pluie entoure. Mais qqs heures après le départ alors que nous montions à travers la forêt dans les nuages, la pluie forte a déversée une partir de la montagne, terre et arbres compris sur le petit bout de piste au bord du précipice... Les seuls vêtements sec que j'ai sont ceux que je porte à ce moment là, pourtant nous sortons et les pieds nus dans la boue à coup de pioche de pelles et même à mains nus nous commençons à essayer de déblayer la route. C'est une bêtise, évidemment car comment 6 petits gars peuvent déblayer 8 mètres de terre avec une pioche, deux pelles et une machette... bref, effort inutile, on se retrouve tous crade à un point non-atteint jusqu'à présent et transi de froid dans cette pluie glaciale de la partie haute de la jungle... Après la renonciation... tout juste, un bulldozer arrive...

Dégoûtage... Ça devait être une dernière petite épreuve de la part de cette sacrée forêt... Dernière épreuve ? Oui, je vous rassure, il n'y en a pas plus... la suite est un long voyage frisquet dans le Toyota... et l'arrivée finale à Cisco où Oliver me propose de prendre quartier chez lui, ce que je ne refuse pas.

Je dors donc d'un sommeil profond dans cette grande pièce nue, avec Edu, dans l'hospitalité simple de ce grand bonhomme dont la porte est toujours grande ouverte même par temps de pluie.

Je vous salue si vous avez réussi à lire mon pauvre récit jusqu'ici...

J'ai tranché au vif dans les 1300 photos que nous avons fait pour en mettre que quelques unes sur le site. Demain, un petit tour de trois jours sur le rio Apurimac, va me garder en bonne forme.

dimanche 13 novembre 2005

Pérou 06

C'est d'abord une grosse boule dans la gorge qui monte, et puis rapidement, c'est fini. Elle est partie.

Après cette fameuse route du Chaco, quoi ?

Eh bien, un long marathon de bus le long de la Bolivie et du Pérou pour atteindre finalement Cusco. L'émotion nous a gagné en atteignant La Paz, nous connaissions ces rues, nous connaissions quelques personnes là-bas... déjà presque deux mois que nous avions quitté cette ville et il nous semblait que c'était hier. Et puis Cusco, cette fameuse ville dont tout le monde parle, ce lieu fixe du tourisme péruvien, cet endroit que nous ne voulions pas aller voir la première fois de passage dans le coin. Un tel rabattage nous avait été fait, encore et encore, on s'est dit "essayons", au moins l'opinion nous sera propre. Alors nous y voilà et déjà nous entamons la recherche du meilleur prix pour monter au Machu Picchu. Je m'explique. Depuis que je suis arrivé, mille conseils, avis, renseignements se sont entrecoupés, vérifiés, contredits... D'abord j'avais le souvenir lointain du récit de Kams, mon frère de voyage, mais tout était flou dans ma tête, et mis à part une photo de lui marchant le long des rails du train... le noir. Ensuite ce fut un amas de : "Oh la ! Pour monter au Machu Picchu, c'est minimum 150 dollars par personne la journée", "Le Machu Picchu ? Moi je m'en suis tiré pour 80 billets !", "Mais qu'est-ce qu'on t'a raconté ! Si t'es un peu motiv' tu peux le faire pour 60 dollars pas plus !"... Bref un vrai casse-tête, et ne comptons pas sur Le Routard, ce vieux roublard toujours en retard de 4 ans sur la "soit disante" nouvelle édition !

Nous voilà donc à l'Office du Tourisme (toujours au top du renseignement). La meilleure solution est simple, il faut prendre un billet de train partant d’Ollantaytambo direction Aguas Caliente... Pour aller à Ollantaytambo, il faut prendre un bus (1h45 pas plus !). Ensuite à voir si l'on veut gaspiller 12$US de plus, car d'Aguas Caliente une seule compagnie de bus règne pour monter le flot de touristes à l'entrée du site. Notre option aura été celle-là de prendre un bus de Cusco à Ollantaytambo, où il aura fallut faire des pieds et des mains pour avoir un ticket de train (40$US A/R) partant à 20h. Une heure de retard nous amènera à Aguas Calientes à 22h40. Nuit courte, car le départ à pieds pour Machu Picchu (économie de qqs dollars) nous le commençons à 4h30 du matin, histoire d'arriver à l'ouverture avant les bus. Pari gagné puisque vivants, bien qu'à bout de souffle, nous arrivons enfin. Peu de monde nous a précédé et nos yeux s'ouvrent grands sur ces constructions jusqu'à présents restées cacher. Le ciel est bleu et notre souffle se rallonge lentement. Nous ne regrettons pas ni la dépense ni l'effort... Cependant nous n'avons pas fini de donner car il va falloir profiter de la fraicheur matinale et du peu de monde pour grimper de WaynaPicchu (Montagne Jeune) que l'on voit en principe toujours sur les photos. C'est un pain de sucre que l'on monte presque à l'aide de ces mains puisque la falaise est vertigineuse. Et au bout, la récompense finale... la vue. Le MachuPicchu revient à 40$US de train (minimum en ce déplacant jusqu'à Ollantaytambo), puis à 20$US d'entrée sur le site... 10 pour les étudiants internationaux (merci ISIC)... Ce qui m'a amené le tout à 50$US... Voilà pour le technique, le fade, le sans intérêt...

Ce qui importe le plus c'est d'ouvrir encore plus grand les yeux, qu'à l'habitué. Les pierres incas sont jointes d’une manière qui vous fait défaillir, et coller son oreille à la paroi c'est se ressourcer de minéraux ancestraux. Bien sûr, il y a du monde, mais finalement peut-on en vouloir au monde
de connaitre un tel élan ? J'ai entendu dire que, victime de son succès, le Machu Picchu fermerait peut-être un jour au public, car la foule détériore ce que plusieurs siècle d'abandon à l'état sauvage à
pu sauvegarder. Je ne sais pas où ils voient la détérioration, car le site est entretenu à la perfection, c'est beau de propreté ! Le point noir est évidemment le prix à payer, mais je n'ai finalement rien
regretté. Et puis cette vue depuis les 2710m du Wayna Picchu est à couper le souffle. On s'assiérait des heures si, grâce à dieu, le soleil ne tapait pas si fort... Car nous avons eu la chance d'avoir un
ciel bleu entre deux jours de pluie.

Le retour se passe à 5h45 du matin, il faut reprendre un train... bref ce n’est pas de tout repos... mais ça vaut vraiment le coup !


Maintenant, me voilà de retour sur Cusco... et je viens de laisser Miléna partir seule vers Lima où elle prendra son avion demain. Drôle de chose à vivre. Drôle...

Pourquoi ne pas la raccompagner jusqu'au bout après avoir traverser la moitié du continent dans l'urgence et ensemble... Parce que au détour d'un petit chemin Cusquenien j'ai rencontré Oliver qui dans sa petite agence me propose de partir 8 jours en forêt vierge d'une manière inoubliable... alors forcément j'ai accroché et Milena voyant mon œil brillant a compati... Le départ sera demain aux aurores... je vous dit "au 21"...


Emrys

PS : un chouette site que je ne connaissais pas : http://www.n7w.com/ pour élire les 7 nouvelles merveilles du monde...

lundi 7 novembre 2005

Bolivie 05

Avant hier nous étions à Ascención, et comme mon avion part dans très peu de temps maintenant, il nous faut sélectionner les villes où nous souhaitons passer le plus de temps. Nous n'aurons donc fait à Ascención qu'une journée et attendu le bus de 19h00 qui nous emmènera en 20 heures à Santa Cruz en Bolivie. Stéphan a insisté pour ne pas aller directement à la Paz. Le guide nous a effectivement annoncé un voyage prometteur si nous faisions ces 20 heures de trajets en passant par la route du Chaco...

Je sais que Stephan ne manquera pas d'écrire ces propres mots concernant ce trajet, mais pour vous donnez mes impressions, je vous cite simplement ici mes quelques lignes écrites durant ce parcours ...

" -05 Novembre 2005-

Hier c'est vrai la journée a été plutôt longue en attendant ce bus. Mais aujourd'hui nous y voilà ! Et bien comme il faut! Nous sommes partis hier soir, 19h00. Nous nous sommes endormis tard après de longues conversations et nous commencions à voir par la fenêtre quelques gouttes de pluies frapper sur nos vitres. Nous ne commencions alors qu'à nous inquiéter légèrement, sans savoir pourquoi, juste parce que nous avions lu que la traversée du Chaco ne durerait que 24 heures maximum s'il n'y avait pas de pluies !

Mais voilà, nous sommes le matin et ....il a plu. Le problème c'est qu'ici les routes ne sont pas faites. On est situé entre le Paraguay et la Bolivie, ni chez l'un, ni chez l'autre. Les bus s'embourbent toutes les 10 minutes et ça doit faire maintenant trois heures qu'on avance à tout petit pas! Les gens sont descendus pieds nus du bus pour aider à pousser, et de temps en temps un tractopelle ou un camion s'arrête pour nous aider à avancer. La route est prévue pour 2007 !!! Avec Stephan on ose imaginer que ce sera à peine fait en 2010. Sur notre droite on voit le route qui se dessine avec une fine couche d’asphalte sur laquelle on ne peut pas passer de peur qu'elle ne s'affaisse ! Du coup d'énormes troncs d'arbres sont posés tous les 50 mètres pour qu'on ne puisse pas circuler dessus. Et la BINGO...c'est bien ce qu'il se passe ! Stéphan est descendu prendre des photos superbes et impressionnantes! Nous sommes deux bus à nous suivre et toute à l'heure le premier avait quasi entièrement la soute dans la boue!.... (je m'arrête un moment car le bus redémarre et il m'est difficile d'écrire tellement ça bouge)
Seconde partie !!...Quel voyage! Après avoir passé la douane, les contrôles de passeport, les fouilles multiples... nous revoilà dans la galère!... Alors que nous échangions des mots doux et que tout le monde dormait dans le bus, nous voilà Stephan et moi surpris par un énorme BOOM !!! Le voyage est déjà repoussé avec une heure d'arrivée à Santa Cruz prévue pour 23h00 au lieu de 17 h00, mais là c'est la totale !! Stéphan va voir, descend du bus et remonte 10 minutes après en me disant avec un grand sourire: "
Exceso de velocidad..." la barre de transmission je crois, longue d'environ 2m50 est restée sur la route à 50 mètres plus loin! Apparemment pas d’affolement, les chauffeurs sont habitués! Ma foi ...

Au départ il était prévu 20 heures de bus, au total combien en ferons-nous... Surprise!!!"
Voilà donc où je me suis arrêtée. La fin de l'histoire...et bien nous nous sommes aperçus qu'en tombant, la barre de transmission avait fait un trou dans le réservoir d'essence, que les chauffeurs ne savaient plus comment faire, et nous avons attendus au moins une demi heure au bord de la route si ce n'est pas plus. Ensuite un bus qui passait par là s'est arrêté et nous à remorquer jusqu'au terminal de bus à Santa Cruz à 2h30 du matin...
Je laisse à Stephan le soin du détail...mais mon Dieu quel voyage !!!!
Bises à vous. Mi.


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La route du Chaco, voilà un nom qui résonnait en moi comme un appel à la découverte. Nous n'avons pas le temps de nous éterniser au Paraguay, malheureusement, mais l'aventure de traverser le pays par la frontière Bolivienne me semble indispensable... et pour cause.
Nous voilà donc à bord de ce fameux vaisseau, le bus Rio Paraguay, avec Air... Naturel !!! La transpiration monte donc... la chaleur est humide et moite et la crasse n'est pas belle à décrire. Je m'attarde sur quelques lignes prisent d'un côté sur le Lonely Planet du Paraguay et de l'autre sur le Routard de la Bolivie. Je cite :

... peut-être croiserez-vous des Mennonites dans la ville ou en chemin vers les missions ; il s'agit des membres d'une secte anabaptiste fondé au XVIeme siècle en Suisse, qui refuse toute autre autorité que celle de la bible. La majeure partie de leur communauté vit aujourd'hui aux Etats-Unis, mais ils se sont également établit au Mexique et au Paraguay, les autres pays qui assurent une rotation régulière entre les différentes communautés. Ils vivent entre eux, à l'Est de Santa Cruz, principalement du produit de leur agriculture. Dans les marchés, ils tiennent en général les étales de fromage. Côté vestimentaire, ça louche du côté « Petite Maison dans la Prairie ».

Puis tout en lisant je tourne la tête sur la gauche et je vois embarquer dans le bus, Charles Ingalls accompagné par rien de moins que 10 enfants (dont un encore dans le ventre de sa mère) leur mère et leur grand père !

La petite maison dans la prairie est un euphémisme, et plutôt que nous retrouver spectateurs de ces étranges individus, nous devenons bien au contraire l'élément curieux, attirant les yeux et les sourires des enfants ! Ils ont les ongles terreux, les habits de leurs aînés, la coupe du siècle dernier, et chacun une paire de Doc Martens usée jusqu'à la croute. Je n'ai jamais vu un groupe d'enfant aussi sage et discret, malgré leurs yeux scrutateurs !!! 9 gamins âgés entre 1 et 16 ans... et espacés gracieusement en âge, ça fait forcément du bruit, du chahut. Eh bien là non, du jamais vu... et puis d'un coup j'aperçois la petite coupure sur la lèvre du jeune à côté de moi ! Evidemment je ne peux rien conclure, et je ne conclu rien, mais la gueule du père à moitié ensuqué ne m'a pas laissé un souvenir des plus agréable. Ces gens là parlent le Guarani, un savant mélange de la langue indigène pratiqué avant la colonisation, d'allemand et d'espagnol. ¡Ñembopyahu!

Le résultat donne un truc incompréhensible à mes petites oreilles ("_Dis donc tu as de grandes oreilles ! _ Je tiens ça de mon grand-père. _ De quel côté ? _ Ben des deux, il aurait l'air con avec une seule grande oreille !!!" sic Milena et Stephan sur l'Ile d'Amantani).
Et puis les mœurs changent tellement... nous sommes choqués outre mesure quand nous apercevons le père et les enfants jeter à tour de rôle les ordures par la fenêtre. Je bougonne alors, discourant, au frais de ma compagne, sur l'écologie, la morale... tout en donnant sagement mes ordures au chauffeur me tendant le sac poubelle prévu a cet effet. Fier de moi et de l'univers je regarde par la fenêtre ce paysage si sérieux qui traverse d'une ligne de boue le paysage du Chaco, quand d'un coup, depuis la cabine du chauffeur je vois voler le fameux sac poubelle en direction des fourrés... Imaginez ma déconfiture !


Le soir est arrivé rapidement après notre départ, et nous sombrons dans un sommeil lourd et transpireux. C'est à deux heures du matin que l'on nous réveil pour les formalités de sortie du Paraguay et le tampon sur le passeport (sans le tampon, t'es mort !). Dehors, le désert. Au milieu, un cabanon. Je cherche pourtant sur l'horizon ce qui ressemblerait à un poste frontière, mais rien que ce cabanon. Il faut donc se rendre à l'évidence. Une queue se forme sous la lumière blanchâtre du seul néon éclairant la porte de ce cube de 3 par 3. Et la voix roque d'un réveil non anticipé nous appelle un par un : "siguiente !". À l'intérieur, un homme à moitié endormi nous prend les passeports ; derrière lui, deux hommes dorment sur des lits superposés en fer blanc. Ils sont sales et sentent l'humidité. Du ciment orne leurs rotules, et la lumière criarde ne semble pas les inquiéter. Nous passons au crible du douanier : "Vous êtes venus faire quoi au Paraguay ? _ Ben, visiter... (mauvaise intuition) _ Et vous croyez avoir compris le Paraguay en un jour vous ? (Là deux solutions, soit on s'engage dans une explication spatio-philosophique, soit on joue aux cons... bref, on joue aux cons...) _ Ben non hein, mais on compte bien revenir..." Le tampon acquis on s'échappe pour aller se recoucher. Le ciel se zèbre d'éclairs permanents et dans ma tête résonne cette phrase "Jusqu'à Santa Cruz ? 20h... Si il pleut par contre... ahahah". Black out.

La lumière s'infiltre doucement mais sûrement à travers mes paupières... je fais l'effort de regarder ma montre : 7h. Je referme les yeux. Puis soudain Milena me dit, Oh j'ai vu le plus bel arbre de ma vie... un vrai champipi!, et j'ose rouvrir les yeux, mais cette fois je serai bien incapable de les refermer. Je parlais de rouge et de vert... et bien je confirme... bien qu'avec un ciel bleu les couleurs aurait été éclatante. Nous filons (toujours dans le Paraguay, car le poste de douane se trouve 400km avant la frontière) sur une piste boueuse. Il aura plu toute la nuit. Le bus tangue comme un bateau, et qd les yeux se risquent à l'extérieur, on y voit effectivement de l'eau. On avance donc dans cette mare, avec un bus dont le cul se balade de droite à gauche en priant que les conducteurs aient pratiqué au moins une fois dans leur vie de la conduite sur glace !

Et puis soudain, c'est le drame... pas tellement dramatique que ça par ailleurs si l'on en croit le fou rire des employés. Le bus qui nous précédait s'enlise complètement dans 50cm d'eau... les soutes baignent, et les passagers sont coincés dedans au risque de se mouiller les pattes.
Il faut croire que ça arrive régulièrement car un tracteur viendra tirer le bougre de bus hors de sa bière et relancera haut les cœurs la course poursuite du Chaco... je passe les diverses enlisements qui se résoudront toujours avec cette simplicité du sourire, et j'en viens à la nuit suivante...
Évidemment, vu la pluie, nous n'escomptions plus arriver avant la nuit à Santa Cruz. Il est donc 21h et la nuit est noire quant au milieu de notre rêverie un bruit épouvantable se fait entendre... un bruit qui dure... ça claque, ça tape, ça grince, et d'un coup l'explosion... nous prions, l'espace d'une seconde !

Je me mets à courir après les chauffeurs qui sont déjà loin derrière le bus. Quand je les rattrape enfin, l'un d'eux tout en mettant l'arbre de transmission de la propulsion du bus sur l'épaule, me lancera, "on allait un peu trop vite, mais c'est rien on va réparer ça en deux deux..." malgré moi, je ris. A-t-on jamais vu un bus perdre son arbre de transmission à 100km/h en pleine nuit sans lune.

Comble, le temps de s'arracher définitivement de la carlingue, le long axe aura eu le temps d'esquinter les réservoirs de carburants. Nous voilà donc cloué. Il faudra attendre qu'un autre bus prenne en charge de s'arrêter et de nous escorter jusqu'à Santa Cruz où nous arriverons à 2h30 du matin.

Je vous ai mis en ligne quelques photos pour vous donner une idée du truc.
http://spaces.msn.com/members/troubadourcoquelicot/
still...

Nous prenons un peu le temps de profiter de Santa Cruz, puis ce sera direction La Paz... 20h... puis Cusco... 20h, puis Lima... aucune idée...

Emrys

vendredi 4 novembre 2005

Paraguay

Certains d'entre vous ont dû s'apercevoir qu'il y a souvent un décalage entre le titre et l'écrit de l'email. C'est parce que le bougre qui vous narre l'histoire n'a pas tôt fait d'arriver quelque part que déjà ses doigts lui brûle de raconter. Ainsi donc me voilà au Paraguay, mais j'y parlerai bien plus de l'Argentine où je séjournais durant ces quelques derniers jours. Je me disais tout à l'heure en faisant les 6 heures de trajets traversant le pays depuis Ciudad del Este jusqu'à Asunción: "Fichtre ! Le bon Dieu ne devait plus avoir que deux couleurs sur sa palette ! Le vert de la végétation et le rouge de la terre du Paraguay nous offre en deux notes une symphonie de couleurs émouvante." Voilà donc quatre jours, nous arrivions à Puerto Iguazu, après une lutte des transports depuis Montevideo (Uruguay). Ce petit hôtel que nous avions débusqué et qui pour une poignet de figue nous offrait le luxe d'un 4 étoiles (piscine, dvd, billard, petit dej’, internet...), et nous a décidé a nous y reposer trois jours, le temps de prendre un léger, mais féroce coup de soleil, et de voir les fameuses chutes d'Iguaçu, deuxième (première selon les locaux) plus grosse chute d'eau du monde... Nous sommes arrivés par grand soleil, et celui-ci a persisté jusqu'à notre départ, mais la semaine précédent notre arrivée la pluie avait été telle que pour la première fois depuis 20 ans, le niveau d'eau avait tellement monté que les installations touristiques des chutes ont été emportées et que le fleuve avait eu une crue de 10 mètres. Nous n'aurons donc pas connu les chutes blanches d'Iguaçu, mais le fleuve tumultueux et boueux au débit impressionnant ! Alors voilà, ce matin le bus partant de Puerto Iguazu (Argentine), nous a conduit a travers la petite route traversant Foz do Iguçu (Brésil), pour arriver a Ciudad del Este (Paraguay)... formant les trois villes frontières entourant les fameuses falls ! Le trajet se fait en une heure... et en un siècle. Je m'explique. Le trajet physique ne dure qu'une heure ; c'est le développement social qui fait un siècle... un bon d'un siècle en arrière, le même choc que le passage de la Bolivie au Chili, mais à l'envers. Ce passage de la modernité, à l'absence de logique, de moyen et de commerce moderne est une drôle de claque, surtout quand on ne s'y attend pas le moins du monde. 1€ vaut 6700 Guaranies (monnaie paraguayenne), et l'adaptation est difficile. Le pays à l'air si différent de ce que j'ai pu voir, se rapprochant tout de même à la Bolivie sous quelques aspects. Les bus reprennent leurs fanfares multicolores, les rues ressentent le vieux gasoil, le teint redevient basané, et la langue prend un accent espagnol arrangeant les R à la manière des américains ; une déformation dû selon moi à la deuxième langue officiel du pays (Guarani), selon Milena au portugais (proximité Brésilienne). Comme je le disais au début de ce courrier, l'impatience me fait écrire trop vite mes impressions qui finalement sont simplement des ressentis rapides. Je ne connais donc rien du Paraguay pour l'avoir simplement côtoyé une journée... et malheureusement je n'en connaitrais pas plus car nous prenons demain soir un bus traversant la région du Chaco pour rejoindre Santa Cruz de la Sierra en Bolivie. L'avion de Milena nous tient, et nous nous devons d'être prudents quant à la date du départ approchant. Ne connaissant ni la route sur laquelle nous nous hasardons, ni le temps qu'il va falloir pour faire les dernières choses qui nous attirent vraiment... sans parler non plus des péripéties probables... bref un tas d'interactions possibles nous pressent et nous invitent à nous rapprocher rapidement du Pérou. Je parlais de la région du Chaco que nous traverserons demain ; c'est la route traversant les missions jésuites paraguayennes, dans le nord
ouest du pays, la seule route le reliant à la frontière bolivienne ; route traversant la forêt. Poussière et chaleur humide donc au menu des prochaines 24h de bus.