Pérou 10
_ Puta madre, sácala rapido huevon !
Parlons un peu de football !
Le foot c'est ce qui rythme mes journées à Huanchaco, c'est ce qui rythme aussi la vie de ces vendeurs de bonbons qui longent la plage et le bord de mer incessamment à la recherche de l'invétéré du sucre ! Leur secret, leur fruit défendu, leur nectar à ces gens là, c'est leur rendez-vous nocturne. "19h stade du bord de mer" sonne comme un rendez-vous de duel, et ce ne sont pourtant pas des mousquetaires... juste des vendeurs de clopes et de bonbons rangés dans une boite à chaussures.
Depuis que je suis arrivé je participe chaque soir à ce match, à ce duel, à cette guerre qu'ils se livrent le temps d'une heure. Chaque soir, sauf ce soir... quelque chose me dérangeait, quelque chose sortait de ma perception étant dans la bataille... je me suis mis sur la touche en observation.
Les règles de ce football péruviens sont vagues et sans limite. Le but est de marquer, toujours, mais le reste entre dans des dimensions extensibles et poreuses. Première variante, le verbe est jeu ! Les
pieds dansent rapidement, la moitié d'entre eux ont grandi avec une balle entre les guiboles, et joue du quolibet en dribblant. Il n'y a pas d'arbitre, mais bien entendu le groupe à ses leaders, ceux qui jouent le mieux mènent la danse, ceux mènent le verbe détermine le tout. Je parle de verbe, mais que l'on comprenne bien que je parle d'argot péruvien de la rue du 21ème siècle... il n'y a pas de jolis vers et d'alexandrins en rime à la manière de nos poètes du 16ème. Je parle de l'espagnol de "la puta madre". Le combat se livre toujours dans une hauteur de ton. Celui qui parle fort peut tenir tête à celui qui parle "bien".
Le jeu est surtout un pari ! Pour jouer il faut mettre une pièce de 50 centimos dans la poche du garde touche, c'est la "quina". Les gagnants ramassent 1 sol chacun, autant vous dire tout de suite que ça pimente ! Les meneurs ne vont jamais chercher la balle partie sur la route ou vers la plage... car le temps est compté... l'équipe perdante ne prend donc pas le temps de réfléchir car rien n'arrêtera le chronomètre et court chercher la pelota.
La course est rapide, le stade petit, les joueurs aussi... on se laisserait presque à croire que l'on regarde un match de babyfoot, la balle va d'une cage à l'autre à une telle vitesse que les participants
s'époumone à vitesse grand V. Malgré cela, rien ne leur fera ôter le bonnet qui donne le style de celui-là ou le blouson qui pète de cet autre. La transpiration s'en mêle, et l'excitation. "Puta cruza cruza CRUZA !!!!". Les engueulades ne sont pas fausses, pas simulées, pas amoindries... il faut répondre ou s'écraser. Celui qui s'écrase perd le ballon qui passe à l'équipe grande gueule, au risque de se faire jeter par sa propre équipe, deux engueulades pour le prix d'une ! Les T-shirts sont tiraillés, poussés, empoignés et vissés. Les jambes se mélangent et se heurtent, pas un jeu sans quelques gouttes de sang ou un bel hématome. Et pourtant... Pourtant, tous ont le sourire et le rire en fond de gorge. Perdu dans cette sévérité du jeu, dans ce sérieux du pari, dans cette excitation du sang latin, le rire reste en fond sonore, et rare sont les fois où un échange verbal et postillonaire ne se termine pas par un rire et une tape amical dans le dos. Ces gens sont fiévreux, organiques, exagérateurs, emphatiques, joueurs, mais surtout ils sont amicaux ! Ils acceptent vite et ne reviennent pas sur un sourire. Leur football est leur catharsis, c'est la purge d'une journée à avoir vendu pour 10 soles de bonbons, de clopes et autres saloperies. Ils se retrouvent là pour se la "donner" vivement et sans obstacle. Le football est ici un sport, une loi, une envie, une passion, un rêve, un traité !
Je n'aimais pas le foot... je change.
Sportivement vôtre.
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