jeudi 30 mai 2013

Indian ocean 04

J'ai fini par perdre la notion du temps. Après plusieurs jours en mer, assurant nos quarts de 3 heures toutes les 9 heures, les jours sont devenus un long enfilage de perles, blanche puis noire puis blanche... Les repas nous servent de repères tout autant que la Croix du Sud que nous laissons sur notre bâbord et qui disparaît beaucoup trop tôt dans une nuit encore jeune. Chaque quart de nuit à ses bons ou mauvais côtés. De 21h à minuit dur de tenir le coup, mais on a ensuite l'impression de faire une vraie nuit jusqu'au prochain quart à 6h. De minuit à 3h... mon préféré... au cœur de la nuit, seul avec le vent et le plancton phosporescent. De 3 à 6 où le soleil nous gratifie d'une arrivée magistrale. Nous avons été bien seul sur notre trajet, filant sud sud ouest depuis les Maldives, nous avons passé les Chagos avant de modifier notre cap plein ouest ou presque.
Je n'avais jamais entendu parler des Chagos avant. La population de ce petit pays s'est vue intégralement déportée vers l'île Maurice et les Seychelles dans le cadre de la construction d'une base militaire américaine dans les années 60/70... Et il semblerait que ce peuple cherche aujourd'hui à regagner leur terre.
C'est au petit matin, un vent soufflant des rafales de 50 nœuds, que Madagascar est apparu. Le bateau gitait à 30° mais c'est la vue des montagnes rouge et verte du littoral malgache qui me donna le vertige ! 2 mois que je n'avais pas vu une montagne de plus de 10m d'altitude ! Nous passons le cap d'ambre avec une moitié de grand voile, 2 ris dans le yankee et la trinquette et le pavois tribord qui flirte avec les poissons. Comme prévu, dès que le cap est passé, les creux laissent place à une mer d'huile, et le vent redevient une douce brise. Nous commençons à croiser des pêcheurs et quelques voiliers. Nous passerons notre première nuit de mouillage à Nosy Mitsio, afin d'arriver à Hellville, la capitale de Nosy Be au matin.
C'est la Donia à Nosy Be, le plus grand festival de musique de l'océan indien. Beaucoup d'artistes des Seychelles de Maurice de la Réunion de Mayotte et bien entendu de Madagascar viennent chanter et faire bouger les habitants de l'île. On y sera bien sûr ! Le rhum et la danse auront raison de nous vers 4h et il nous faudra plusieurs jours pour nous en remettre... Mais la vache, que ça fait du bien après la léthargie du large.
Le bateau est dans un état déplorable et la liste des travaux est longue comme le bras, alors tous les jours on s'y colle avec l'aide d'un malgache venu en renfort et d'une miss qui vient égayer notre régime de pâtes ! La température est plus agréable qu'aux Maldives et autour de nous les dauphins nous narguent pendant que nous faisons briller les inox. Mais quand la pendule affiche 17h, rien ne va plus, nous allons visiter les alentours. Le bateau est au mouillage près d'un petit village appelé le Cratère... Certainement à cause du cratère immergé qui termine ce bout de terre, mais pas du tout selon les habitants, qui ne comprennent pas le rapprochement mais qui en même temps n'ont jamais vu d'image satellite de leur village. C'est la cambrousse. Le chemin en terre rejoignant le village suivant joue à nous faire trébucher. Ici, tong égal mauvaise idée !
Les cases sont faites en bois, feuilles de palmier et terre, mais la moindre gargote est équipée en matos pour faire péter 400 watts de son bien d'ici ! Partout des parasols abritent des vendeuses de brochettes de zébu (à tomber par terre), de samoussa, de manioc, d'orange et de poulets... vivants, la tête en bas accrochés par les pattes à une branche. Nota bene : ici la cuisse de poulet, dure, sèche et sans viande vaut 3000 ariary alors qu'une succulente brochette de zébu en vaut 200 ! Never get chicken again !
Les malgaches c'est les princes du sourire, mais c'est les rois de la fête ! On peut danser tous les soirs. Le dimanche ça se passe sur la plage chez Tatie Chris et attention c'est un joyeux bordel. Il faut faire attention à ses effets personnels bien entendu, l'ami Simon en a fait l'expérience avec une petite liasse qui a disparue soudainement de sa poche. Le jeudi, c'est la Sirène. Le vendredi Djembé. Le samedi Number One... Bref on n'est pas allé partout mais on a bien été renseigné.
Le week-end nous avons profité des locs de scooter pour faire un tour de l'île en reconnaissance. Les routes sont agréables et le seul véritable danger vient des caméléons qui traversent sans regarder. Au nord, la plage d'Andilana étale ses kilomètres de sable blanc le long de quelques hôtels de luxe. Quelques restaurants à Vazaha (prononcer vaza, signifie étranger) affiche des tarifs dignes de la croisette. Nous choisirons donc de manger dans une case, ou l'on sert une queue de poisson froide avec du riz et du fanta chaud ! 5 étoiles au Michelin !
Nosy Be est une île magnifique et les boutres qui longent ses côtes, et ses pêcheurs aiment bien passer à 1 mètre du bateau, toutes voiles dehors, me laissant du coup tout le loisir de les prendre en photo.
Dans une semaine, nous serons à nouveau en mer pour le Mozambique qui sera mon terminus. Mon bonhomme et ma petite femme me manque.

Vocabulaire malgache :
Malak lak - vite vite
Mora mora - doucement (utilisé bien plus fréquemment)

mardi 30 avril 2013

Indian ocean 3


Sur l'horizon rien qui ne trahisse un possible mouillage, aucune île en vue et pourtant la couleur de l'océan change autour de nous. Des tâches turquoises et vertes dessinent des formes qui ne se comprennent que du ciel. Nous suivons le bleu profond avant de jeter l'ancre au milieu de ce reef. Nous y passerons la nuit, au milieu de nul part. Les Maldives sont ainsi faites que certaines îles sont trop timides pour se montrer et préfèrent rester tapies à 5 mètres de fond.
La nuit tombe. Les étoiles se montrent une à une. Épuisés de la journée, allongés à même le teck, on est tous là à regarder le ciel. Le souffle du vent est le seul bruit perceptible. 
La lune se lève soudain. On dirait un soleil mourant, jaune pâle, effaçant de ses rayons les étoiles voisines. Sa lumière ne parvient pas à allumer le ciel. C'est splendide. 
Quand je vois ça, je sais que je suis au bon endroit. 

L 3°33',9N
G 073°19',8W

vendredi 5 avril 2013

Indian ocean 02

Ici même les crabes prennent leur temps pour s'enfuir dans leurs galeries à l'approche des pas pesant des autochtones. L'air pèse. Il fait chaud, mais pas trop humide... C'est respirable. Et quand un brin de vent se met à souffler c'est même délicieux. La danse des marées dessine de nouveaux contours à cette petite île. 900 habitants, sans compter les crabes. Milena et Thomas sont arrivés depuis 6 jours. 6 jours où le temps est devenu plus doux, comme pour leur épargner un teint vermillon. Les prévisions n'étaient pas spectaculaires mais jusque là c'est un sans faute !
Nous avons élu domicile dans la maison de Philippe et Zeenath, un couple franco-maldivien d'une gentillesse extrême et qui sait vivre et découvert une petite plage dorée qui se déshabille lentement toutes les six heures afin de laisser de longues langues de sable goûter à l'eau cristalline. C'est petit, mais pour nous c'est énorme. Seuls au monde, les jeux de châteaux de sable et de cache-cache avec les bernard-l'ermites peuvent commencer.
Cette jolie île s'appelle Huraa, c'est un village de pêcheurs. Les gens y sont souriants et avenants. Thomas n'hésite pas à partir dans leurs bras en nous adressant de grands "bye bye". Nous sommes (à part Philippe) les seuls blancs sur l'île depuis notre arrivée, et les nationalités qui se côtoient ici sont maldivienne (of course), sri lankaise et bangladeshi... Sans oublier crabe aussi (je ne voudrais pas qu'ils se vexent)... Les maldiviens portent des lunettes de soleil, pas les autres, ici se sont eux les propriétaires !
Thomas, qui a une fine horreur de marcher dans le sable pieds nus a pris le parti de ne plus s'en faire et d'y aller à fond pour les vacances. Après tout ça dure si peu de temps.
Ce soir nous commencerons à faire nos valises pour aller passer la journée de dimanche sur Demoiselles, le voilier sur lequel je travaille. Milena et Thomas ont été invités par le capitaine à y passer la journée en attendant leur décollage du soir. Et ensuite... La tête pleine de souvenirs, en espérant que l'étreinte de la solitude ne sera pas trop forte, nous serons à nouveau séparés pour 2 mois.
Que le temps se fige, que le vent tombe et que cet instant toujours demeure.