mercredi 23 novembre 2005

Pérou 07

Trouver les mots pour décrire cette aventure de huit jours n'est pas une tâche aisée et depuis avant hier que je suis rentré je ne fais que repousser l'échéance où je devrai me mettre à table.

Il est 7h du matin et j'arrive devant l'agence Manu Perú Amazon. Oliver que j'ai rencontré avec Miléna avant de monter voir le Machu Picchu m'avait assuré que je vivrais une expérience unique en venant avec lui.

Alors c'est ce que nous allons voir. Mon sac est plein à raz bord et je commence a décharger les choses inutiles dans un cartons qui restera ici. En même temps je fais la connaissance de mes compagnons de route : Hen, Rotem, Doron, Pini et Annon, sont les 5 israélites, Luke, le p´tit gars de l'Oregon et Eduard le barcelonais. Les connaissances faites, les bagages montés sur le toit du minibus Toyota et nous voilà déjà en route vers les montagnes. Pour acheter du pain et les choses essentielles pas besoins de sortir de voiture puisque les marchandes se jettent aux fenêtres pour vous vendre tout ça.

Pour atteindre la forêt, il faut passer qqs petits villages perdus en montagne où les gens s'habillent tous en tenus très colorées et de manières encore plus innovantes que je n'ai pu le voir jusqu'à présent. Le bonnet péruvien à gros pompons de travers histoire de se donner un look un peu rebelle me fait sourire, tandis que les chiens péruviens sans poil (mais médicinal) se balade tranquillement. Le temps de manger un morceau au sommet de la cordillère et voilà que nous entamons déjà la descente à travers la forêt dans les nuages. La descente est longue et humide, car dans cette portion de jungle masquée par les nuages perpétuels, la pluie est présente en permanence. Nous atteindrons Pillcopata vers la nuit où nous faisons notre première escale dans le seul hôtel de l'expédition. Le temps de prendre une douche et me voilà dans la cour où Oliver me présente à ses amis indiens natifs. Je salue tout le monde en essayant de garder l'aspect le plus normal. "Voilà Willy qui va nous accompagner et voilà Carlos...". Willy est un natif bien bâti dont l'épaule gauche arbore une fière emprunte de Jaguar tatouée, il a le visage aimable et un sourire sincère. Mais à ce moment précis ce n'est pas Willy qui m'intéresse. Je m'assois sur le banc en bois et fais face à Carlos et deux femmes plus une petite fille. Sur cette table, une montagne de feuille de coca est étalée comme autant de cacahuète ou de Monster Munch pour un apéro. Aussi deux verres font tourner la bière entre nous tous et je me retrouve rapidement à mâchouiller tranquillement ma petite "bola" de coca. Mon œil, bien malgré moi, est attiré irrésistiblement vers ce petit bonhomme : Carlos. Le cou absent, il a la tête posé directement sur les épaules, et autour de cette tête un montant cocasse de colliers de graines de la forêt. Sa coupe au bol est ornée d'un bandeau qui, enfoncée sur son crâne, écrase les cheveux du milieu et forme autour une espèce d'auréole sombre. Ses yeux, je ne saurais en parler car il porte une paire de lunettes de soleil (en pleine nuit) style année 70. Ça lui donne un cachet irrésistible, ces lunettes rose immense sur le nez boudiné de ce natif sont un poème kitchissime. La tête arrivant à peine au niveau de la table il sourit de toutes ces dents, d'une espèce de crispation de la bouche, une grimace en quelque sorte. Quelqu'un a dû lui apprendre à sourire et il doit continuer à s'entraîner... car il vrai qu'à quoi bon sourire quand on vit toute sa vie en pleine forêt... À sa droite, la plus jeune des deux femmes à un visage charmant et une belle boucle d'acier au beau milieu de son nez. Son cou aussi orne colliers, dents diverse, et plumes. La femme de Carlos, la deuxième femme, quasi identique à la première, la grâce en moins, tient dans ses bras une petite fille qui comme ses deux aînées porte elle aussi ce petit anneau d'acier dans le nez. J'aimerais courir prendre mon appareil photo et immortaliser cette vision qui me fascine et je n'en ferais pourtant rien, incapable de m'arracher de ma contemplation. Mon appareil photo restera même, pour la première fois en 5 mois de voyage, la plupart du temps dans son étui, pour deux raisons, d'abord parce que Eduard possède un appareil quasi identique au mien et flashouille autant que moi et bien mieux a mon goût, et aussi car je n'en aurais jamais l'envie, préférant vivre à 100% ce qui se passe. "Stéphaaaaaan !!! Baja quiero que tomas fotos de la balsa !" Je me tourne et regarde ma montre. 4h30 du matin ! Je ne sens pourtant aucune envie de continuer à dormir. J'enfile mes vêtements et cours dehors rejoindre Oliver et Willy. Nous arrivons au bord du río Madre de Díos où trois ou quatre hommes nous rejoigne pour filer un coup de main à la construction des deux radeaux qui nous transporteront bientôt au cœur de la jungle. Les troncs de balsa sont déjà taillés et alignés le long de la rive. La pluie commence doucement à tomber. Il faut retirer l'écorce des troncs ce qui est l'affaire de quelques minutes car celle-ci se retire comme une peau de banane. Le bois est très blanc et facile à manipuler car très léger. Nous alignons 6 troncs avant de les rejoindre par deux transversales et de sangler le tout. Quelques coups de machette pour emboiter le tout et en quelques heures le tour est joué, nous avons deux fiers radeaux prêts à filer le long du fleuve.

Le reste de l'équipe se réveille bientôt et nous nous apprêtons à partir le temps de charger le raft pneumatique qui nous suivra avec tout le matériel. Rame au poing je me retrouve en tête de gondole. Les premières minutes seront les plus dangereuses de la rivière, il va donc falloir donner un peu d'huile de coude. Willy manœuvre la balsa. Les vaguelettes deviennent des vagues et les creux nous font bondir de plus en plus haut, mais rien n'entame notre joie. Ça ne fait pas cinq minutes que nous sommes partis quand un rocher énorme se présente juste en face de moi alors que je rame de toute mes forces pour l'éviter... mais le courant est d'une force énorme et notre balsa vient se planter le nez nous faisant faire un bond en l'air. Quand je rouvre les yeux, je suis toujours sur le radeau qui prend un nouvel élan dans les rapides, mais derrière moi il ne reste plus que Luke et Willy... nous avons perdu Edu et Annon... qui flottent dans leur gilet à qqs mètres de là. La récupération est facile et nous continuons notre descente avec une maîtrise du radeau qui s'affine doucement. Au bout d'une petite heure, Madre de Díos devient plus docile et nous nous arrêtons de ramer un moment. Le soleil est á présent haut dans le ciel et les épaules nues chauffent légèrement. Derrière nous le raft pneumatique transporte tout le barda, ainsi que la cuisinière et Ramoun, le chien noir du rameur qui devient rapidement la mascotte. Nous joignons les deux radeaux et commençons à faire les ânes. Le temps est long et le soleil cogne dur. Toutes les dix minutes nous plongeons dans l'eau tour à tour profonde ou pas, histoire de nous rafraîchir. Vers la fin de la journée, après maints secours portés à Ramoun le chien, notre radeau offre l'illusion parfaite de la Méduse, si ce n'est la forêt qui nous entoure... J'apprends par Oliver et Willy la légende du Paititi, ville légendaire dormant sous Madre de Díos, entre la terre et la Pachamama, ville d'or, au rivière de lait, et à l'herbe douce...

Mes épaules me lancent affreusement et je n'ai rien pour me couvrir. Nous arborons tous des couleurs rougeoyantes et j'appréhende déjà le jour où il va falloir mettre le sac sur les épaules. Nous passerons la nuit au bord de la rivière. À coup de machette, j'arrache qqs branches sèches des troncs jetés là en vrac. La nuit tombe tôt et vite. Nous sommes le 14... Nous aurons une pleine lune la nuit du 16. Quand il faut remonter sur le radeau au petit matin on espère déjà que le parcours va se terminer rapidement. Il nous reste 4h à 5h de descente. La joie de la nouveauté est passée et nous ne pensons plus qu'à nos épaules que le soleil à décider de continuer à creuser. Ma main me lance d'un chouette pinçon et d'une ampoule que je dois à l'utilisation de la machette... c'est là qu'on s'aperçoit que nos mains sont trop douces au contact de la plume et je me dis que c'est un prix bien doux pour endurcir ma peau. Shintuya est en vu. C'est là que nous finissons cette première partie du voyage. Nous accostons la balsa, et déchargeons le raft. Nous allons encore alléger nos sac à dos afin de répartir la nourriture pour quatre jours de jungle, que le raft transportait jusque là. Le surplus nous le laissons dans une bicoque d'un ami à Oliver. Quand je soulève mon sac et le pose sur mes épaules, mon cœur se soulève, la douleur me pénètre profondément. Je regrette mon insouciance de ne pas avoir voulut passer de t-shirt... Oliver est une personne vraiment intéressante, il a vécu 15 ans à faire faire des tours dans cette jungle de Manu. Sa connaissance en plante médicinale et faune est immense. Mais c'est aussi quelqu'un que la forêt à forgé et a rendu dur. Alors il est dur avec nous et ne se met pas forcément à notre niveau de débutant... il faut marcher ou crever... alors à peine descendu du radeau, nous enfilons quelques vêtements et nous voilà déjà partis pour la jungle. Il est 13h. Après 30 minutes de marche le long d'une piste, il s'arrête brusquement et se retourne vers nous. "Je ne vais pas répéter deux fois ce que je vais vous dire, alors écoutez bien ! Nous n'avons pas de sentier dans cette partie de la jungle. Je ne veux voir personne marcher de front... tout le monde à la queue-leu-leu. Aussi si vous vous arrêtez pour prendre des photos ou pour pisser sans avertir en moins de deux minutes vous serez perdus." Nous voilà au parfum. Sa cadence de marche est impressionnante et il porte sur son dos un sac de 150 litres plein à craquer, aussi marche-t-il en permanence pied nu... chose que j'ai essayé d'imiter sans succès... La chaleur est maintenant différente. Le soleil est masqué par la pampa et nous avançons dans une atmosphère humide qui ne nous quittera plus. Le premier campement nous l'établissons après 4h de marche. À cet endroit des braconniers du bois sont venus trancher quelques arbres pour en faire des planches éclaircissant un peu la forêt et permettant d'établir quelques tentes. À peine cela fait que le ciel est noir. Diana, qui cuisine s'établit une petite cuisine et commence à faire griller quelques branchettes humides. Nous nous asseyons tous autour d'un tranche de tronc qui servira de table et échangeons nos premières impressions sur la selva alors que déjà les insectes s'attaquent à nous (surtout au peaux sucrées, donc pas à moi... ce qui est plutôt pas mal). La faune lance quelques cris nocturnes. Notre première chouette rencontre sera avec le scarabée phosphorescent. Comme une petite luciole il brille d'un vert puissant. Mais différemment puisque comme les phares d'une voiture il s'éclaire grâce à deux lumières frontales. Aussi, inoffensif, nous l'attrapons entre deux doigts alors qu'il se met à craquer d'un petit bruit... tac tac tac... La pluie accompagne bien sûr notre souper, et nous ne tarderons pas à être assommé de sommeil.

Aujourd'hui il faut s'enfoncer plus profond pour établir un campement de deux jours. Le temps de tout re-packer et nous revoilà donc à avancer à coup de machette. "Nous passerons aujourd'hui plusieurs rivières, mettez donc vos sandales", sauf que moi j'ai des sandales mais que pour marcher avec c'est impossible... donc chaussures de marche, mais une fois trempé... aucune chance de les faire sécher dans la selva... Je commence donc par essayer de passer les rivières sans faire pénétrer l'eau dans la chaussure... ce qui devient vite impossible vu que nous nous enfonçons à mi-cuisse. La sueur est âcre et sent fort. Trempez d'eau et de sueur nous avançons toujours au rythme d'Oliver qui recourt souvent à Willy pour trouver le bon chemin. Vers 15h nous atteignons une colline dont le sommet est dégagé et où un toit en palme offre un abri parfait. C'est la propriété d'un ami indien à Willy et nous resterons ici deux jours. La journée n'étant pas finie, nous montons rapidement le campement avant de nous aventurer le dos léger dans la forêt espérant trouver quelque faune à observer autre que des oiseaux. Rapidement un arbre au loin bouge et le silence complet se fait parmi la troupe. Un couple de singe appelé Black Spider avance tranquillement devant nos yeux éblouis de cette drôle de chose que de voir la vie sauvage de cette animal qu'on voit si souvent dans une cage ou dressé. Une demi-heure durant, la bouche ouverte, les yeux tirant le plus haut possible, la nuque criant au secours je ne pourrais pas me tirer de cette contemplation pleine d'admiration infantile. Il va pourtant falloir avancer et je m'arrache de ma rêverie, pour m'entendre hurler "cours c'est infesté de fourmis rouges", au même instant de toutes petites morsures suivies instantanément d'une brûlure cuisante se propagent le long de mes mollets... Je cours... et tape avec ma machette sur mes jambes pour repousser les quelques fourmis qui s'étaient introduit dans mon pantalon... La douleur reste peu de temps et heureusement finalement que ce n'était que des fourmis rouge car la forêt abrite une autre fourmi qui elle, mesure 2cm et qui vous rend paralytique 6 heures durant à la suite de sa morsure. Je parle peu des insectes, mais c'est qu'il y en a tellement que j'en perdrais la tête. Les mille pattes, les araignées velues énormes, les scarabées, les fourmis, les moustiques de toutes les formes possibles et imaginables, les papillons gigantesques d'un bleu profond... tout est source d'admiration. Nous atteignons bientôt le but de notre marche... un abri pour observer le tapir, qui vient ici sucer les minéraux à la nuit tombée. Commence l'attente silencieuse de la faune sauvage qui se soldera au bout de quelques heures par un échec... le tapir n'est pas venu... soit... nous rentrons à la lumière de la lampe torche, et là encore l'expérience de marcher en forêt vierge en pleine nuit est impressionnante... un seul mot : respect. On ne se trouve tellement rien, au milieu de cette immensité que le respect s'impose de lui même. Au campement Oliver invente une nouvelle pipe pour fumer un peu d'herbe... après la pipe patate, voilà la pipe ceinture... il enroule une ceinture et se sert de la spirale pour fumer pépère. C'est là qu'il nous dit, "demain debout 7h on a pas mal de marche pour rentrer..." Rentrer ??? Mais ne doit-on pas passer deux jours à ce campement ??? Alors silencieusement je me mets à compter les jours sur mes doigts et m'aperçois qu'il manque un jour... je vais donc voir Oliver discrètement et lui glisse le mot... il devient blanc... il s'est planté et nous devons effectivement rester un jour de plus... sauf que... sauf que nous n'avons pas assez de nourriture pour un jour de plus... il se met à se trifouiller les méninges dans tous les sens... mais une seule solution se présente, il va falloir chasser, sauf qu'à 11 personnes, impossible de chasser, évidemment... Le lendemain la pluie diluvienne nous cueille au réveil. L'oisiveté de quelques heures se perd en taillage de bois, en jeux de cartes, en confection d'armes indigènes. Et quand la pluie s'arrête nous revoilà parti explorer la forêt alentour. Encore des singes, mais aucune trace de jaguar... est-ce étonnant avec le bruit de tout ce petit monde marchant ? Les petites coupures, les petits bobos qui sont notre lot quotidien sont soignés grâce aux plantes, et ma foi ça marche plutôt bien. Quand la nuit commence à tomber nous retournons à l’abri pour tenter d'apercevoir le tapir... qui ne se montrera pas plus que la nuit précédente... Oliver, lui, nous aura quittés un peu auparavant pour retourner faire quelque chose au campement. À notre retour pas d'Oliver... Diana à déjà préparer le repas et nous n'attendons pas le chef. Dans le groupe nous sommes assez peu a parler espagnol et peu peuvent communiquer avec Willy et Diana. Eduard, espagnol, Annon, qui s'est mis dès le départ à l'écart du groupe par une espèce de caractère antisocial au possible et moi. Je me retrouve donc souvent à discuter avec Willy et Edu de choses diverses que la jungle nous offre à comprendre. Willy nous explique tout et nous propose bientôt de rejoindre Oliver qui est en fait allé pêcher pour que l'on puisse manger demain, à la seule condition de ne le dire à personne car impossible de chopper quelque chose encore une fois si nous nous déplaçons tous... J'insiste tout de même pour faire venir Luke avec nous, car c'était finalement celui qui voulait le plus pêcher, et l'en priver me semblait injuste... Luke est un garçon sensible qui me fascine par le contact qu'il a avec la forêt. Il arbore toujours un sourire affable, et son amitié est sincère. Nous descendons donc la colline pour nous plonger à mi-cuisse dans la rivière dans le noir totale. C'est à peine si nous distinguons le contour des arbres découpés sur le ciel d'un bleu profond. Oliver est assis dans le plus grand silence, à mâchouiller infatigablement ses feuilles de coca, une ligne toute nue dans la main. Derrière lui est allongé un poisson-chien de 25cm... Sa seule prise en deux heures... ça ne s’annonce pas terrible. Willy s'approche de moi et me glisse doucement à l'oreille "vient voir"... Avec sa lampe torche, il éclaire un peu plus loin sur la rivière, où un point rouge sang se met à s'illuminer... Un caïman. Willy attrape sa machette et s'avance dans l'eau alors que je le suis d'une distance raisonnable, arrivé presque au niveau du caïman, il se jette sur lui et abat sa machette qui rebondit sauvagement sur la peau de l'animal qui s'enfuit aussitôt... Je suis pétrifié... "Dommage ça nous aurait bien nourrit..." Soit... Quand je finis d'apprêter ma ligne de pêche avec pour appât un morceau du poisson-chien, Oliver tressaillit et se lève brusquement ramenant à lui sa ligne... c'est un gros, poiss... tortue... Il a attrapé une tortue de belle taille... Je n'ai pas le temps d'exprimer ma surprise que déjà sa main s'est abattue sur la tête de celle-ci pour lui faire trois tours, alors que Willy lui tranche la gorge... faute de caïman nous aurons donc de la tortue... sauf que une heure après à peine alors que le dos tourné, tout le monde pêchait, l'œil accoutumé à l'obscurité ; dans un silence parfait quelque chose c'était approché et c'est quand un bruit nous alerte finalement que nous percevons le caïman de tout à l'heure (sûrement) s'échapper avec notre tortue dans la gueule... il nous reste finalement le poisson-chien à moitié entamé pour faire des appâts... Au petit déjeuner alors que nous dégustons ce poisson exquis, la pluie s'arrête une minute nous laissant le temps de packer avant de repartir le dos chargé vers la lisière de la forêt... La marche sera dure, car nous devons effectuer en une journée ce que nous avions fait en deux jours et le rythme d'Oliver ne s'est pas plus calmé qu'à l'aller. Mon pied me lance d'une saloperie d'abeille qui n'a rien de trouver de mieux que de me piquer sous la plante du pied... alors que j'avais les pied nu pour la première fois depuis pas plus de 10 secondes... Les bambous taillés au rythme de la machette me font quelques estafilades joliment placées sur les bras, alors que les coups de soleil viennent seulement de passer, comme si la douleur devait ne jamais vraiment finir et vous rappeler toujours que vous êtes dans un endroit où le danger est omniprésent. La sueur se représente dans son odeur infecte et pique mes yeux alors que les pieds dans mes chaussures de marche baignent de l'eau des rivières. Quand nous atteignons le village, un sourire malgré nous monte sur nos visage... la fatigue est présente, mais malgré tout notre première envie est de boire une bonne bière... bière qui nous sera finalement offerte par les gens de Shintuya... que nous ferons bien rire à raconter nos pauvres péripéties... "Faut vraiment en vouloir pour se foutre en pleine jungle !" Quand mes pieds finissent par sécher en plein air... c'est là que le mal se fait sentir... la peau sèche et craque entre chacun de mes orteils. La douleur est telle que je n'arrive plus à avancer... je marche pied nu car hors de question de remettre les chaussures mouillées auteurs de ce scandale ! Seulement ma vitesse de marche est réduite... je mets presque une heure pour rejoindre le centre du village pour dîner... Un peu de crème cette nuit devrait faire beaucoup de bien. Au matin la douleur s'est apaisée nous packons une dernière fois les tentes et nous dirigeons vers la route où un de ces camions qui transportent le travail de ces braconniers du bois doit nous ramener vers Pillcopata. Je croise alors Hugo, un des chauffeur de camion avec qui nous avions bien bu la veille qui m'annonce, non sans regret, qu'aucun camion ne partira aujourd'hui... Quand le reste du groupe l'apprend c'est le scandale et les israéliens se lâchent sur Oliver qui dépité ne sait quoi répondre tant les attaques sont répétés et certaines fois, aussi, juste, à mes yeux. Nous avons vu peu de faune, énormément marché, manger juste ce qu'il faut et tout ça à leurs yeux est inacceptable... ma doléance à moi, comme à Luke est plus douce, nous lui reprochons seulement les quelques petits mensonges qu'il utilise parfois pour nous faire avancer à son envie... sinon l'expérience ainsi que l'amitié qui nous lit est puissante. Mais fortifié de tout ça, et peut-être pour montrer son meilleur côté Oliver part à la recherche d'un camion, de plus belle... Aucun problème ne lui résiste et 10 minutes après le voilà revenant avec un Volvo rouge énorme et sublime, camion de transport de bois appartenant à un conducteur bourré qui ronfle sur le siège du passager à côté d'un Oliver souriant au volant de ce monstre. Rapidement tout le monde embarque... nous voilà tirés d'affaire... à l'arrière du camion nous établissons notre petit campement alors qu'au bout de 20 minutes à peine... le camion s'arrête et tente une marche arrière qui patine. Je sors rapidement du camion pour m'apercevoir qu'Oliver a loupé un virage un peu serré et que le camion est en mauvais posture... le problème et qu'il a calé et que personne n'arrive à le faire redémarrer... La manière péruvienne de réparer voiture ou camion est de prendre un marteau et de cogner un peu partout, et la plupart du temps... ça marche !!! Sauf que là non... on pousse donc pour essayer de le faire démarrer dans la pente mais au lieu de ça le camion sort de la route à moitié et s'embourbe définitivement sans avoir redémarré. Le conducteur bourré comme un coing s'allonge sur la route, et l'image de ce camion dans les fourrés avec son conducteur ivre mort sur la route nous fait sourire une seconde et oublier que nous sommes au milieu de nul part... sans grand espoir de nous en sortir ce coup-ci. Willy part pourtant en avant en espérant trouver quelque chose... alors que Luke et moi en désespoir de cause passons le temps à la confection d'un chouette barrage dans la rivière qui coupe la route en contrebas. Quelques heures plus tard un bruit nous éveil et Willy triomphant revient avec un autre camion. Il a trouvé sur la route un conducteur bullant par là... après quelques piètres tentatives pour sortir le Volvo au moyen de câbles, nous transvasions nos affaires dans le deuxième camion qui nous transbahutera jusqu'à Salvación où nous jouerons Edu, Doron, Luke et moi un match de foot contre les locaux... match serré qui se soldera par un 3 à 3 et une sueur toute différente de celle que nous connaissions depuis une semaine. Là, alors que la nuit est déjà bien avancée, nous finirons par trouver un petit pickup qui accepte de tous nous entasser à l'arrière. 10 personnes plus tous les bagages sur la plate forme de 3m² voilà du cocasse. Mais nous atteindrons finalement le petit hôtel que quelques jours plus tard nous quittions sur nos radeaux. La nuit fut courte, entre la bière et les jeux de cartes, et au petit matin nous rechargeons le minibus Toyota qui nous tirera vite fait de la jungle... Vite fait ?... C'est ce que nous croyons... les doigts de pieds en éventail dans la chaleur du minibus que la pluie entoure. Mais qqs heures après le départ alors que nous montions à travers la forêt dans les nuages, la pluie forte a déversée une partir de la montagne, terre et arbres compris sur le petit bout de piste au bord du précipice... Les seuls vêtements sec que j'ai sont ceux que je porte à ce moment là, pourtant nous sortons et les pieds nus dans la boue à coup de pioche de pelles et même à mains nus nous commençons à essayer de déblayer la route. C'est une bêtise, évidemment car comment 6 petits gars peuvent déblayer 8 mètres de terre avec une pioche, deux pelles et une machette... bref, effort inutile, on se retrouve tous crade à un point non-atteint jusqu'à présent et transi de froid dans cette pluie glaciale de la partie haute de la jungle... Après la renonciation... tout juste, un bulldozer arrive...

Dégoûtage... Ça devait être une dernière petite épreuve de la part de cette sacrée forêt... Dernière épreuve ? Oui, je vous rassure, il n'y en a pas plus... la suite est un long voyage frisquet dans le Toyota... et l'arrivée finale à Cisco où Oliver me propose de prendre quartier chez lui, ce que je ne refuse pas.

Je dors donc d'un sommeil profond dans cette grande pièce nue, avec Edu, dans l'hospitalité simple de ce grand bonhomme dont la porte est toujours grande ouverte même par temps de pluie.

Je vous salue si vous avez réussi à lire mon pauvre récit jusqu'ici...

J'ai tranché au vif dans les 1300 photos que nous avons fait pour en mettre que quelques unes sur le site. Demain, un petit tour de trois jours sur le rio Apurimac, va me garder en bonne forme.

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