samedi 9 juillet 2005

Venezuela 03

Il y a des jours où il ne se passe rien, mais alors rien de rien, et puis un jour comme ca on décide d'aller se promener tout seul et là ça devient la débandade... à tel point que j'ai peur d'en oublier la moitié et me mets à écrire de suite.


Ce matin réveil matinal et annonce légère de Billy comme quoi il faut que je trouve quelque chose à faire car lui et sa tante vont faire des papiers pour la journée, je dois donc m'occuper. Il est 8h. Je décide de retourner voir le consulat pour me faire immatriculer au cas où un pépin arrive... qu'ils sachent qui avertir... Je m'étais déjà présenté la veille a 11h40, mais comme le consulat ferme a midi et que la réputation de l'administration française est connue même outre atlantique, je me serais gentiment fait remballé et invité à me représenter le jour suivant... aujourd'hui donc. Pour y être allé déjà deux fois je commence à bien connaitre le chemin. Je prends donc mon bus, Calle 72. À peine arrivé, la femme chargée du consulat me reconnait se lève et commence à m'expliquer que ca ne sert pas à grand chose de faire cette démarche etc. etc. et moi de lui rétorquer que dans ce cas là il ne fallait pas me faire revenir aujourd'hui et que nécessaire ou non je veux qu'elle soit faite puisque l'ambassade est là pour ca... Après une dizaine de questions sur ce que je fais, ce que je veux faire, où je vais, comment j'y vais, des photocopies de mes papiers et une bonne demi-heure, les formalités sont terminées. Il est 10h30... je décide de me rendre à la Laguna de Sinamaïca... depuis le temps que je veux le faire et que je repousse. Mais je ne trouve pas mon chemin le temps s'allonge et les bus défilent et aucun ne sort de Maracaibo. Je sympathise finalement avec une indienne Guajira qui m'indique le bon bus à prendre pour se rendre directement là-bas.


La musique hurle une fois de plus dans les baffles. Les vénézuéliens sont friands de cette musique à la Louis Mariano accompagné de 50 accordéons grinçants. Je colle ma joue contre la vitre. Mes genoux sont ramenés vers mon ventre et écrasés contre l'acier du siège devant. Le bus est surpeuplé. J'essaie de me concentrer sur ma lecture de Gabriel Garcia Marquez « Cent ans de solitude ». Impossible. Les aventures de José Arcadio Buendia me passionnent mais la musique m'assourdit et le conducteur a décidé d'exploser le record de vitesse du slalom géant... Je finis par fixer l'horizon en comptant les heures. Dans les villages, les vaches, semblables à leurs consœurs sacrés en Inde, se baladent comme des pachas au milieu de la route, nonchalante pour un sou. L'âne paisse tranquillement accroché à son piquet. J'explique rapidement au garçon chargé des passagers que je veux visiter la Laguna Sinamaïca et qu'il serait bien aimable de m'indiquer où je dois m'arrêter, ce qu'il fait gentiment. Résultat des courses ? Je me retrouve à une croisée des chemins poussiéreuse, où se trouvent deux gardes nationaux au milieu de la route, et je ne sais fichtrement pas ou je dois aller... Tel un ingénu... tout souriant, je me dirige vers eux pour demander ma route. Résultat ? Contrôle des papiers et fouille générale dans de grands rires qui ne m'amusent pas du tout et des exclamations : « Zidane, Zidane, Jajajaja ». Au final, je me suis arrêté trop loin, je dois revenir sur mes pas. Je prends un bus et effectivement on avait dépassé le village Sinamaïca de plusieurs kilomètres. Mais la lagune n'est pas a porté de main, il faut encore marcher plusieurs kilomètre vers l'ouest. Je choisi de faire le chemin à pied, plutôt que de prendre un taxi. Je commence à avancer dans un bidon ville et je me demande sincèrement si je n'aurais pas dû prendre un taxi... On me hèle deux fois et je réponds par des sourires. Mais quand une femme me demande une faveur je m'arrête et commence à discuter... elle me demande de l'argent... je reprends ma route, mais elle me saisit le bras et me demande de lui offrir ma chaine. C'est une chaîne ordinaire en acier et perles noires en plastique que mon père a ramené de Janet. Je lui dis que c'est un cadeau, mais elle ne me laisse pas le temps et saisit mon pouce en essayant de m'arracher ma bague (en acier aussi). Je fini par la repousser et reprendre mon chemin sans me retourner. Pendant que je m'éloigne je saisis ma bague, mon collier, ma montre et retire le tout pour les enfourner dans mon sac à dos. Rapidement je quitte le village et commence à m'enfoncer dans ce qui ressemble de plus en plus à un marécage. La route défoncée file tout droit à perte de vue. La chaleur est prenante. Mon crâne devient bouillant et je suis trempé de sueur des pieds à la tête. Aujourd'hui nous frôlons les 45º Celsius. Des taxis passent de temps en temps à toute vitesse en évitant de justesse les trous de la route. C'est une voiture en sens inverse qui s'arrête. Un taxi également. Le conducteur me demande ce que je fais là. Je lui réponds négligemment que je me balade. Il ouvre de grands yeux et m'annonce avec fierté que la route
est très dangereuse et que parfois des caïmans se baladent tout prêt. Mon regard se pose sur son passager à sa droite qui me fait discrètement un non de la tête, me faisant comprendre que le conducteur cherche à m'intimider pour éventuellement me faire surpayer la course. Je le remercie et reprends mon chemin. Quelques minutes après voilà ma récompense. Une camionnette passe et comme d´habitude quelques hommes se tiennent debout à l'arrière les pieds sur le pare-choc et s'agrippant à la carlingue tant bien que mal. Un jeune me fait un signe de la tête et donne un grand coup sur la carrosserie prévenant ainsi le conducteur de ralentir... Je me mets à courir, voyant là une occasion superbe de m'économiser un peu, saute et attrape le rebord. Quel bonheur ce vent sur son visage. Il brûle un peu mais c'est toujours mieux que la chaleur immobile.


Me voilà enfin à Puerto Cuervito. C'est le point de départ de petits bateaux à moteur qui offrent un tour de vue de la lagune et de ces habitants moyennant quelques dineros. Et là je retrouve le Maroc. Un homme me rejoint aussitôt descendu de la camionnette, s'assure rapidement que je suis bien venu pour voir la Lagune et engage la discussion sur le tarif. Il sort un petit carnet de sa poche et inscrit 30.000 Bs dessus, je me mets à rire et ouvre devant lui mon porte feuille où il ne reste que 5.000 Bs, et là c'est à son tour de rire. J'ai bien évidement plus d'argent sur moi mais éparpillé à différents endroits. L'homme descend de lui même à 20.000. Et l'on finira par s'accorder sur 10.000 Bs. J'ai le sentiment de mettre fait avoir profond. Mais autant profiter maintenant que c'est fait. Je suis seul dans le bateau, et le jeune qui me fait visiter a tout juste 16 ans et me parle de ces ambitions d'aller à l'université l'année prochaine, afin d'y apprendre l'anglais. Dans la lagune, les maisons sur pilotis sont faites tantôt d'estera (roseau tressé par les indiennes Añu-Parajuana habitants la lagune) tantôt de tôle ondulée. Les enfants courent dans l'eau boueuse et jouent avec ce qu'ils ont sous la main, un morceau de bois, une ficelle reliée à une bouteille, qu'ils traînent derrière eux. Certains affichent des sourires ravis de se voir prendre en photo. D'autres affichent des visages fermés et je ne laisse à ses moments là même pas apercevoir mon appareil photo. Des « Vota NO » sont proprement tagués sur les murs des petites baraques sur pilotis. Je demande pour confirmation à qui le NO est destiné et le jeune me répond simplement « Chavez ». Il n'a rien fait pour les gens d'ici, me dit-il, rien ! As-tu vu l'état de la route pour venir ici ? Une bonne partie n'est même pas goudronnée ! Le petit peuple n'aime pas plus Chavez que les plus fortunés, « Chavez es FATAL para Venezuela ! », me répète-t-on souvent. Le tour se termine et je reprends rapidement ma marche sur cette longue route vers la route principale où passent les bus qui me ramèneront vers Maracaibo. Un taxi passe, deux, le troisième n'est pas un taxi mais une camionnette réfrigérée. Je fais du stop pour la première fois et le conducteur s'arrête instinctivement. Il n'y a qu'une banquette avant et déjà deux passagers mais ici une banquette c'est fait minimum pour trois personnes, on se serre donc et en avant. « Ça te va si on te laisse sur la place Bolivar ? », bien sûr que ça me va. Chaque ville ou village digne de ce nom au Venezuela possède sa place Bolivar. Le Libertador est vénéré à tel point que bien des familles possèdent souvent un grand portrait de lui dans le salon. J'attends le bus mais un por puesto (taxi collectif) me propose le même tarif. J'entre donc confiant. Je fais ici la rencontre de Miguel un jeune qui à première vu me semble européen. C'est lui qui engage la conversation en me demandant si je suis israélien. La plupart des gens pensent que je suis italien, espagnol ou israélien... jamais français. On sympathise rapidement. Il est en fait colombien et vis à Bogota depuis toujours. Il parle très bien anglais et ça m'arrange car mon espagnol, quoi que allant de mieux en mieux ne me permet quand même pas d'avoir les conversations que je peux tenir en anglais. Lui a appris en regardant la TV. Rapidement j'oriente la conversation sur son pays et lui demande à quoi ressemble Bogota, si la ville est si dangereuse que ça, etc, etc... Il m'en vantera tous les aspects. Il a une grande estime de sa ville et ne la pense pas plus dangereuse que n'importe quelle grande métropole. Je commence gentillement à le questionner sur Ingrid Bétancourt. Je viens de terminer de lire son livre hier, autant dire que l'histoire colombienne est plutôt fraîche dans ma tête. Il m'annonce qu'elle ne veut plus être libérée pour quelques obscures raisons que je ne saisis pas. Mais enchaîne assez rapidement avec haine sur les guérilleros. Il a été lui aussi kidnappé il y a deux ans et a passé 2 mois enfermé avant d'avoir pu s'échapper grâce à un manque d'attention des guerriers. Il a été kidnappé, oui... à Santa Marta... où j'étais il y a 10 jours.

Soudain, le tonnerre gronde et c'est le déluge. Le déluge ici est assez rare. Et comme les routes ne sont pas du tout prévu pour ça, elles ont tôt fait de se remplir comme des baignoires et les voitures se transforment en bateaux de fortune. L'eau entre dedans et je dois lever les pieds pour éviter d'être trempé alors que le chien se fait une joie de laper tout ce qu'il peut dans cette gamelle prodigieuse. Le chemin devant durer 2h se transformera en une galère de 4h30 dans les faubourgs de Maracaibo, mais je suis heureux de ma journée et aussi heureux de vous la faire partager ce soir.

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