Indian ocean 04
J'ai fini par perdre la notion du temps. Après plusieurs jours en mer, assurant nos quarts de 3 heures toutes les 9 heures, les jours sont devenus un long enfilage de perles, blanche puis noire puis blanche... Les repas nous servent de repères tout autant que la Croix du Sud que nous laissons sur notre bâbord et qui disparaît beaucoup trop tôt dans une nuit encore jeune. Chaque quart de nuit à ses bons ou mauvais côtés. De 21h à minuit dur de tenir le coup, mais on a ensuite l'impression de faire une vraie nuit jusqu'au prochain quart à 6h. De minuit à 3h... mon préféré... au cœur de la nuit, seul avec le vent et le plancton phosporescent. De 3 à 6 où le soleil nous gratifie d'une arrivée magistrale. Nous avons été bien seul sur notre trajet, filant sud sud ouest depuis les Maldives, nous avons passé les Chagos avant de modifier notre cap plein ouest ou presque.
Je n'avais jamais entendu parler des Chagos avant. La population de ce petit pays s'est vue intégralement déportée vers l'île Maurice et les Seychelles dans le cadre de la construction d'une base militaire américaine dans les années 60/70... Et il semblerait que ce peuple cherche aujourd'hui à regagner leur terre.
C'est au petit matin, un vent soufflant des rafales de 50 nœuds, que Madagascar est apparu. Le bateau gitait à 30° mais c'est la vue des montagnes rouge et verte du littoral malgache qui me donna le vertige ! 2 mois que je n'avais pas vu une montagne de plus de 10m d'altitude ! Nous passons le cap d'ambre avec une moitié de grand voile, 2 ris dans le yankee et la trinquette et le pavois tribord qui flirte avec les poissons. Comme prévu, dès que le cap est passé, les creux laissent place à une mer d'huile, et le vent redevient une douce brise. Nous commençons à croiser des pêcheurs et quelques voiliers. Nous passerons notre première nuit de mouillage à Nosy Mitsio, afin d'arriver à Hellville, la capitale de Nosy Be au matin.
C'est la Donia à Nosy Be, le plus grand festival de musique de l'océan indien. Beaucoup d'artistes des Seychelles de Maurice de la Réunion de Mayotte et bien entendu de Madagascar viennent chanter et faire bouger les habitants de l'île. On y sera bien sûr ! Le rhum et la danse auront raison de nous vers 4h et il nous faudra plusieurs jours pour nous en remettre... Mais la vache, que ça fait du bien après la léthargie du large.
Le bateau est dans un état déplorable et la liste des travaux est longue comme le bras, alors tous les jours on s'y colle avec l'aide d'un malgache venu en renfort et d'une miss qui vient égayer notre régime de pâtes ! La température est plus agréable qu'aux Maldives et autour de nous les dauphins nous narguent pendant que nous faisons briller les inox. Mais quand la pendule affiche 17h, rien ne va plus, nous allons visiter les alentours. Le bateau est au mouillage près d'un petit village appelé le Cratère... Certainement à cause du cratère immergé qui termine ce bout de terre, mais pas du tout selon les habitants, qui ne comprennent pas le rapprochement mais qui en même temps n'ont jamais vu d'image satellite de leur village. C'est la cambrousse. Le chemin en terre rejoignant le village suivant joue à nous faire trébucher. Ici, tong égal mauvaise idée !
Les cases sont faites en bois, feuilles de palmier et terre, mais la moindre gargote est équipée en matos pour faire péter 400 watts de son bien d'ici ! Partout des parasols abritent des vendeuses de brochettes de zébu (à tomber par terre), de samoussa, de manioc, d'orange et de poulets... vivants, la tête en bas accrochés par les pattes à une branche. Nota bene : ici la cuisse de poulet, dure, sèche et sans viande vaut 3000 ariary alors qu'une succulente brochette de zébu en vaut 200 ! Never get chicken again !
Les malgaches c'est les princes du sourire, mais c'est les rois de la fête ! On peut danser tous les soirs. Le dimanche ça se passe sur la plage chez Tatie Chris et attention c'est un joyeux bordel. Il faut faire attention à ses effets personnels bien entendu, l'ami Simon en a fait l'expérience avec une petite liasse qui a disparue soudainement de sa poche. Le jeudi, c'est la Sirène. Le vendredi Djembé. Le samedi Number One... Bref on n'est pas allé partout mais on a bien été renseigné.
Le week-end nous avons profité des locs de scooter pour faire un tour de l'île en reconnaissance. Les routes sont agréables et le seul véritable danger vient des caméléons qui traversent sans regarder. Au nord, la plage d'Andilana étale ses kilomètres de sable blanc le long de quelques hôtels de luxe. Quelques restaurants à Vazaha (prononcer vaza, signifie étranger) affiche des tarifs dignes de la croisette. Nous choisirons donc de manger dans une case, ou l'on sert une queue de poisson froide avec du riz et du fanta chaud ! 5 étoiles au Michelin !
Nosy Be est une île magnifique et les boutres qui longent ses côtes, et ses pêcheurs aiment bien passer à 1 mètre du bateau, toutes voiles dehors, me laissant du coup tout le loisir de les prendre en photo.
Dans une semaine, nous serons à nouveau en mer pour le Mozambique qui sera mon terminus. Mon bonhomme et ma petite femme me manque.
Vocabulaire malgache :
Malak lak - vite vite
Mora mora - doucement (utilisé bien plus fréquemment)